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Scènes de crèche

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Ce n’est pas l’enfant qui est violent, c’est la pul­sion : illus­tra­tion par les scènes de la vie en crèche où l’inconscient fuse comme une étoile filante, pas encore dépla­cé sur « l’autre scène » du refoulé.

Lilio, 27 mois, dit à ses parents : « Je veux pas aller à la crèche, les autres sont méchants ». C’est lui qui tape et pousse les autres, leur prend les jouets, pique des crises de colère, se tape la tête par terre. Transitivisme et agres­si­vi­té où le sujet peine à émer­ger. Il crie : « non ! c’est moi ! » et veut pous­ser Lola du tram­po­line. L’auxiliaire de pué­ri­cul­ture lui parle, mais il hurle tant qu’il n’entend rien. Elle l’empêche, il se tape. Elle veut le prendre dans ses bras, il « fait la chaus­sette » dixit les édu­ca­trices : devient tout mou et désar­ti­cu­lé, insai­sis­sable. L’intrusion de l’autre semble l’anéantir et déclen­cher une pul­sion destructrice.

Il ne peut s’endormir, tape des pieds sur le mur. Sa mère le traite de « malade men­tal », signi­fiant qui « accable » le sujet. Les édu­ca­trices disent ne plus le sup­por­ter et ne peuvent répri­mer des reproches aux parents. Bébé, il avait un visio­phone dans sa chambre, ce qui leur per­met­tait de ne pas se dépla­cer quand il pleu­rait. L’Autre n’a pas pu éri­ger ses cris en appel, c’est son corps qui se met en acte. À 14 mois, il a grim­pé de son lit sur la table à lan­ger et jusqu’à la camé­ra, fai­sant accou­rir ses parents.

Au fil des conver­sa­tions avec les édu­ca­trices, leur regard sur l’enfant et ses parents a chan­gé. La parole a fait chu­ter l’insupportable. La recon­nais­sance de la souf­france du sujet a pris le des­sus sur le juge­ment. Elles ont pu par­ler avec la mère et avec le père qui ont por­té un autre dis­cours sur leur enfant. « Pauvre chou » est appa­ru dans la bouche de la mère, qui dia­logue main­te­nant avec son fils. L’angoisse, recon­nue, s’apaise.

Un matin, j’observe un autre enfant, Ted, fai­sant un tapage assour­dis­sant avec un jouet. L’éducatrice lui pro­pose un jeu : on encastre des billots dans des trous avec un maillet, on retourne le jeu et on recom­mence. Lilio sur­git, tétine en bouche, va vers Ted qui se lève, mar­teau en main. Ted se dirige vers un jeu libre puis revient au sien, s’assied face à l’intrus, le regarde, lève son outil comme pour por­ter un coup et s’arrête. Maillet en l’air, il fixe son rival d’un regard inquiet, se relève pour don­ner l’autre jeu à Lilio qui se met à taper des­sus. Chacun mar­tèle, observe l’autre. Une fois tous les billots enfon­cés, Ted conti­nue à taper alors que Lilio retourne le jeu pour enfon­cer à nou­veau. Ted l’imite. Lilio tape alors sur le sol, varie les pos­tures et les façons de taper en s’assurant que Ted l’imite tou­jours. L’éducatrice détecte une odeur et demande à Lilio s’il a fait caca, il acquiesce et accepte d’aller chan­ger sa couche.

Lilio est main­te­nant su-porté, ce qui lui per­met de construire son uni­té cor­po­relle en miroir avec un rival sous le regard d’un Autre et non sous l’œil de la caméra.

Véronique Lecrénais-Paoli

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