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Histoires pour enfants ?

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La vio­lence – impos­sible à éli­mi­ner – ne relève pas d’un appren­tis­sage qui se trou­ve­rait dans les livres. Dès l’enfance elle dérange et donne lieu à diverses échap­pées pour en contour­ner la por­tée destructrice.

C’est là où cer­tains livres dits pour enfants sont par­ti­cu­liè­re­ment sub­ver­sifs et réjouis­sants, tant par le texte que par les images.

Comment Tomi Ungerer met-il le monde de la cruau­té à la por­tée des enfants ? C’est sou­vent à par­tir d’un point d’exclusion. Et alors ce sont les plus faibles (Allumette [1]), les exclus (Zloty [2]) les ani­maux de répu­ta­tion contes­table (Orlando [3]) qui remettent de l’ordre dans le chaos et la vio­lence du monde. Autant d’histoires qui ren­voient l’enfant à des forces des­truc­trices qu’il aura à manier.

Que se passe-t-il dans Le Géant de Zeralda [4] ? Une ren­contre entre une petite fille qui « aimait beau­coup faire la cui­sine » et un ogre qui « avait tou­jours faim ». Et lorsqu’il chu­ta, dans sa hâte à se jeter sur la fillette pour la dévo­rer, « ce pauvre homme meurt de faim, pen­sa Zeralda », et donc elle se mit en cui­sine pour lui. Ils ne se quit­te­ront plus : « On peut donc pen­ser que leur vie fut heu­reuse jusqu’au bout », mais la der­nière image vient dire qu’il n’en est rien : la relève est assu­rée sur fond de riva­li­té fraternelle !

Comment s’y prend Claude Ponti ?

Ni leçon ni conseil dans ses ouvrages, plu­tôt une recherche pour se débrouiller de ce qui arrive, bonnes ou mau­vaises ren­contres. Et il faut inven­ter, écou­ter les bons par­te­naires et déjouer les mau­vais, et, à un moment don­né, se déci­der. Plus que dans un déve­lop­pe­ment pro­gram­mé, l’enfant opère par des fran­chis­se­ments et des décisions.

Dans Le Chien invi­sible [5], la ren­contre, très épu­rée par l’art de Claude Ponti, c’est tout sim­ple­ment : « Poc », le « Poc » qui tombe sur Oum-Popotte. C’est un non-sens qui lui tombe des­sus : « Il en fut si tour­ne­bou­lé qu’il ne se sou­vint plus du che­min de sa mai­son. Heureusement ses pieds s’en souvenaient. »

Et fina­le­ment, après l’effet de sur­prise, Oum-Popotte va s’employer à en faire quelque chose, de ce qui lui est tom­bé des­sus, ce qui revient à en faire la preuve face à l’hostilité et au mépris des grandes personnes.

Il va faire une véri­table démons­tra­tion de la réa­li­té de son chien invi­sible, en se ser­vant de l’objet pré­fé­ré du chien, son os : de l’os, seul visible, se déduit le chien.

Et que dit le public ? Ceci : « C’est extra­or­di­naire comme Oum-Popotte réus­sit à faire croire qu’il a un chien invi­sible. Quel magicien ! »

Okilélé [6], reje­té par ses parents et lui-même effrayé par sa propre image, loin de s’apitoyer, se fabrique un abri et un « par­lo­phone », puis décide de par­tir au moment voulu.

Broutille [7] capte la vio­lence de la famille Tapedru. « Le père Tapedru tape sur sa femme et sa fille. La mère tape sur son mari et sur sa fille. Et la fille tape sur son père et sur sa mère ». Ça se réduit à « leurs sales voix de vinaigre », et Broutille va en faire un nou­veau livre.

L’intérêt du livre n’est pas tant son conte­nu que son manie­ment : « Quand elle l’ouvre, il hurle. Quand elle le ferme, il se tait. » C’est « le Livre-Braillard ».

Dans Le Doudou méchant [8], il faut que l’exigence du monstre devienne vrai­ment impos­sible : « Remplir une cruche per­cée de l’eau d’une source tarie », pour que l’enfant alors casse la cruche et que le monstre se désarticule.

Ponti se situe au-delà de la dimen­sion ima­gi­naire de la réci­pro­ci­té, ce qui donne à l’emprise de la vio­lence des voies de sor­tie sur­pre­nantes et décisives.

[1] Ungerer T., Allumette, Paris, L’école des loi­sirs, 1974.

[2] Ungerer T., Zloty, Paris, L’école des loi­sirs, 2009.

[3] Ungerer T., Orlando, Paris, L’école des loi­sirs, 1978.

[4] Ungerer T., Le Géant de Zeralda, Paris, L’école des loi­sirs, 1971.

[5] Ponti Cl., Le Chien invi­sible, Paris, L’école des loi­sirs, 1995.

[6] Ponti Cl., Okilélé, Paris, L’école des loi­sirs, 1993.

[7] Ponti Cl., Broutille, Paris, L’école des loi­sirs, 1991.

[8] Ponti Cl., Le Doudou méchant, Paris, L’école des loi­sirs, 2000.

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