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La fête épouvantable de Max

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Quelle ne fut ma sur­prise de consta­ter com­bien l’univers infan­tile qui se déploie dans le film de Spike Jonze, Max et les Maximonstres [1], sem­blait tout à fait natu­rel à ma can­dide pro­gé­ni­ture par­ta­geant alors l’âge approxi­ma­tif du fameux Max, 9 ans, enfant out of control comme dit sa mère. L’excitation jubi­la­toire de l’enfance à laquelle je venais d’assister me lais­sait, quant à moi, tout à fait per­plexe. Le tra­vail du refou­le­ment, chez ledit adulte, pour­rait avoir ten­té – et ce mal­gré l’entreprise ana­ly­tique – d’éloigner l’idée même de tout sadisme infan­tile. L’enfant lui paraît beau­coup plus dis­po­sé sub­jec­ti­ve­ment à en accep­ter la scan­da­leuse évidence.

L’album Max et les Maximonstres – Where the Wild Things Are, en anglais – fut publié aux États-Unis en 1963, écrit et illus­tré par Maurice Sendak. Cette épo­pée infan­tile, à l’instar de la tra­ver­sée du miroir par Alice [2], est assez inha­bi­tuelle dans la lit­té­ra­ture enfan­tine sou­vent encom­brée de bonnes inten­tions péda­go­giques. Le film raconte les aven­tures de Max envoyé se cou­cher sans dîner par une mère plus pré­oc­cu­pée ce soir-là d’accueillir son amant. Furieux, Max habillé de son dégui­se­ment de loup s’évade dans un voyage ima­gi­naire qui va faire de lui le roi des Maximonstres, dans une île peu­plée de monstres aus­si drôles que cruels, avec les­quels il se lance dans une fête épou­van­table. Cependant, las­sé ou débor­dé par cette jouis­sance pul­sion­nelle débri­dée, notre héros finit par choi­sir de quit­ter le royaume de la toute-puissance ima­gi­naire pour retour­ner dans son ordi­naire symp­to­ma­tique où « c’est dur d’être une famille », dit Max à sa mère dans le film.

À sa sor­tie, l’album avait été jugé par cer­tains trop trans­gres­sif. L’appellation « livre pour enfants » fut en effet contro­ver­sée par les pro­mo­teurs de l’innocence enfan­tine du fait de la dimen­sion sub­ver­sive de l’œuvre. D’après l’article du Monde annon­çant le décès de l’auteur, Françoise Dolto avait au départ décon­seillé la lec­ture du livre [3], arguant que les Maximonstres ris­quaient d’effrayer les plus jeunes et sou­li­gnant l’am­bi­guï­té du dénoue­ment : Max n’est pas puni et n’a accom­pli ni exploits ni bonnes actions à la fin de son périple.

La pul­sion orale, sol­li­ci­tée par la mère à l’heure du repas auquel l’enfant tente de se déro­ber, va se trou­ver pro­blé­ma­ti­sée au cours son périple, sous la forme du binaire manger/être man­gé. Les Maximonstres révèlent l’évidence de la pul­sion can­ni­ba­lique : « Nous vous aimons tel­le­ment que nous vous man­ge­rons ». Cela n’est pas sans faire écho, pour Max, à l’actualité de sa ques­tion sur l’amour mater­nel, pré­ci­sé­ment lorsqu’il ren­contre chez sa mère le désir féminin.

La révolte de Max l’engage dans un déploie­ment ima­gi­naire, véri­table raz-de-marée pul­sion­nel qui char­rie les galets signi­fiants qui le déter­minent. Toutefois, les for­ma­tions de l’inconscient que consti­tuent le tra­vail du rêve et celui du jeu per­mettent au héros un écart subli­ma­toire vis-à-vis de la pul­sion de destruction.

À l’aube de la puber­té, Max se confronte à un cha­ri­va­ri pul­sion­nel, « là où les choses sau­vages » de l’enfance pré­ci­pitent, pas sans l’appui du sem­blant et des fictions.

[1] Max et les Maximonstres, film réa­li­sé par Spike Jonze en 2009.

[2] Carroll L., Alice au Pays des mer­veilles sui­vi de La tra­ver­sée du miroir (en anglais, Through the Looking Glass, 1871), Paris, lgf, Le livre de poche, clas­siques, 2009.

[3] Cf. « L’auteur de Max et les maxi­monstres, Maurice Sendak, est mort », Le Monde, 8 mai 2012, www.lemonde.fr/culture/article/2012/05/08/l‑auteur-de-max-et-les-maximonstres-maurice-sendak-est-mort_1698111_3246.html

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