Menu

Capharnaüm, né révolté

image_pdfimage_print

Capharnaüm[1], de Nadine Labaki raconte l’histoire de Zain, 12 ans, né au Liban. Le film pré­cise les condi­tions de l’émergence de la vio­lence de Zain, ponc­tuée de pas­sages à l’acte qui l’ont ame­né en pri­son. Le spec­ta­teur devient le témoin de l’élaboration d’une ques­tion pour Zain, comme un envers de sa vio­lence, au-delà de l’acte.

Zain est cou­pable d’un crime, mais c’est en tant que plai­gnant qu’il prend parole dans un second pro­cès : il porte plainte contre ses parents pour l’avoir mis au monde. Zain inter­roge le désir de l’Autre dans un Che vuoi ver­ti­gi­neux. Zain inter­roge sa rai­son d’être au monde, car si sa plainte accuse un autre, elle inter­roge sur­tout son être. Zain, insul­té, reje­té, incarne réel­le­ment le rejet-on d’un homme et d’une femme, c’est le point d’où s’origine sa révolte vio­lente. La révolte pourrait-elle se lire comme une ten­ta­tive de s’extirper de cette place d’objet, comme un acte por­teur d’espoir ?

Pour Jacques-Alain Miller, la révolte dans « son essence est un “non” ins­tan­ta­né »[2], une réponse sans média­tion, faite à l’insupportable ren­con­tré. Elle s’adresse à un autre « qui vous domine, vous dépos­sède, vous prive de ce qui vous revient de droit. »[3].

Toute la vie de Zain tient, au départ, au seul pro­jet de sau­ver sa sœur du mariage for­cé qui l’attend. Le lien fra­ter­nel a une valeur pour Zain.

Le départ de sa sœur, ven­due, signe le ratage de ce mon­tage et la perte réelle de sa par­te­naire et de sa place auprès d’elle. C’est le pre­mier point qui pré­ci­pite les pas­sages à l’acte de Zain.

Au sacri­fice fait de sa sœur, Zain se sauve, part errer dans un Liban rava­gé ; cette fuite est un pas­sage à l’acte et signe plu­tôt une iden­ti­fi­ca­tion à l’objet reje­té. Selon J.-A. Miller, l’acte de révolte fait retour sur le sujet. Le départ de Zain, s’il est un non ins­tan­ta­né, révèle aus­si, par l’errance qui va suivre que la pul­sion de mort est à l’œuvre. Zain avance alors sur un fil ten­du entre vie et mort. Son acte est déses­pé­ré et « ne spé­cule pas sur l’avenir »

Un coup de cou­teau à l’homme qui a épou­sé sa sœur, est la conclu­sion mor­bide d’un moment où Zain apprend, dans un tor­rent d’insultes, que sa nais­sance n’a jamais été décla­rée et que sa sœur tant aimée, est décé­dée. L’acte est immé­diat, et cette fois, il s’adresse à un Autre. Zain est condam­né et entre en pri­son. C’est là que son nom sera pro­non­cé pour la pre­mière fois. On lui fait des papiers.

Zain trouve sa voix, en pri­son et il peut for­mu­ler sa plainte. Il pro­voque cet impro­bable pro­cès fait à ses parents et y énonce sa ver­ti­gi­neuse ques­tion. Ses parents sont enten­dus et nomment cha­cun un impos­sible, un insup­por­table. Dans le tri­bu­nal, Zain, per­met l’énonciation de véri­tés plu­rielles et tente de remettre de l’ordre dans ce Capharnaüm en y fai­sant réson­ner sa ques­tion. Une ques­tion qui ne trouve de réponse que du sujet lui-même.

[1] Capharnaüm, film de Nadine Labaki, Liban, 2018.

[2] Miller J‑A., « Comment se révol­ter ? », La Cause freu­dienne, n° 75, 2010, p. 213.

[3] Op. cit.,p. 216.

Inscrivez-vous pour recevoir le Zapresse (les informations) et le Zappeur (la newsletter)

Le bulletin d’information qui vous renseigne sur les événements de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant et des réseaux « Enfance » du Champ freudien, en France et en Belgique et Suisse francophone

La newsletter

Votre adresse email est utilisée uniquement pour vous envoyer nos newsletters et informations concernant les activités de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant et du Champ freudien.