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Edito : Numéricodrome

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Internet et le numé­rique font peur au moins autant qu’ils fas­cinent. Nos socié­tés jouissent aujourd’hui de ces pro­duits du dis­cours de la science à très large échelle. Les lathouses, comme Lacan les nom­mait, de léthé (oubli) et alè­theia (véri­té), des “menus objets petit a que vous allez ren­con­trer en sor­tant, là sur le pavé à tous les coins de rue, der­rière toutes les vitrines”[1], ont enva­hi notre quo­ti­dien au point de deve­nir indis­pen­sables à la bonne marche des choses du monde. Internet et le numé­rique signifient-ils quelque chose ? Un lien à Dieu ou à un être trans­cen­dant ? Internet et le numé­rique s’ils sont bien des pro­duits humains, sont des machines, au mieux huma­noïdes. On serait bien en peine alors d’y trou­ver un rap­port à la véri­té, elle-même for­close par le dis­cours de la science dont ces objets sont le pro­duit. Mais voi­là, comme tout ce qui est for­clos, la véri­té, (alè­theia), fait retour et il se trouve qu’il y a des psy­cha­na­lystes pour l’accueillir, pour la cap­ter et pour en faire quelque chose avec un sujet.

Qu’est-ce qui fait que telle élève est plus inté­res­sée par sa time­line WhatsApp que par son cours d’histoire ? Qu’est-ce qui la fas­cine tant au point de s’extraire vir­tuel­le­ment de la classe ? Elle construit un jeu avec quelques amies dont le prin­cipe est de pos­ter sur ins­ta­gram le mon­tage pho­to le plus dégra­dant de leur enne­mie com­mune et elles en rient à gorge déployée ! Qui y a‑t-il de si fas­ci­nant dans la vidéo où un petit gar­çon, hilare, détruit sa console de jeux vidéo à grands coups de mar­teau ? Un autre vit reclus dans sa chambre et pour­tant, il connait par­fai­te­ment la géo­gra­phie mon­diale ! Et celle qui, dans l’institution, dégrade sa chambre juste après qu’on ait cou­pé la connexion Wifi, d’où lui vient cette colère si vive ? Que faire de toutes ces embrouilles en ins­ti­tu­tion quand on prend pour bous­sole le dis­cours ana­ly­tique ? Vous lirez com­ment dans ces cir­cons­tances l’allié le plus fidèle de l’analyste est le symp­tôme ! Ici, le trans­fert est le seul média de l’analyste.

Le suc­cès pla­né­taire auprès des plus jeunes de GTA, CALL OF DUTTY ou encore FORTNITE inter­roge mais s’agissant de la vio­lence de ces jeux vidéo appe­lés First per­son shoo­ter, faut-il lais­ser la ques­tion au niveau de la cause et de l’effet ? Plutôt, comme Jacques-Alain Miller nous y invite, ne pas s’hypnotiser sur la cause car « Il y a une vio­lence sans pour­quoi qui est à elle-même sa propre rai­son, qui est en elle-même une jouis­sance »[2]. S’agit-il de mettre en cause les jeux vidéo comme ce fût le cas dans les drames de Columbine ou d’Utoya ? Un peu comme la lettre volée, bien en évi­dence, on passe à côté de ce qui compte : la consi­dé­ra­tion de la jouis­sance impli­quée dans l’acte de destruction !

Il importe avant tout que le sujet parle de ces usages. Il ouvre ain­si la pos­si­bi­li­té d’en faire autre chose, notam­ment en visant à ce que la parole retrouve un peu de son inti­mi­té et s’ar­ti­cule au bien dire. S’enseigner de l’u­sage que chaque enfant peut faire au sin­gu­lier des nou­velles tech­no­lo­gies pour, dans le trans­fert, trai­ter quelque chose de la pul­sion est une voie à pour­suivre. L’étendue des pro­duc­tions vidéos réserve son lot de sur­prise et le corps s’y trouve pris dans une “éco­no­mie de la jouis­sance” [3] dont on peut prendre l’empan afin de cal­cu­ler l’acte qui s’impose.

Soyons lucides, il est très dif­fi­cile d’échapper au réseau, smart­phones, tablettes et jeux vidéo. Au lieu de céder à une cri­tique vaine ou de se rési­gner à ces nou­veaux usages, élu­ci­dons ce qui peut se jouer là pour chaque par­lêtre.

Alors, numé­ri­co­phile ou numé­ri­co­phobe ? Plutôt, selon la for­mule de Lacan à pro­pos du Nom-du-Père, s’en pas­ser pour s’en servir.

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XVII, L’envers de la psy­cha­na­lyse, Paris, Seuil, 1991, p. 189

[2] Miller J.-A., “Enfants vio­lents”, Après l’en­fance, Paris, Navarin, 2017, p. 202.

[3] Miller J.-A., “L’inconscient et le corps par­lant”, La Cause du désir, n°88, octobre 2014, p. 108.

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