Édito n°7 : Mini violence, maxi effets

Il y a une certaine violence du symbolique conduisant les professionnels à hésiter, à bon escient, à épingler le tout-petit du signifiant « violent », comme en témoigne l’enquête que le Zappeur a menée auprès des professionnels de crèches et d’écoles maternelles dont vous lirez le compte-rendu dans ce numéro. Mais à les entendre, l’on apprend aussitôt que ces institutions sont le théâtre de l’agressivité constitutive du sujet et du lien social. Et l’on constate qu’ils ne manquent pas d’idées pour inventer à chaque fois des réponses sur mesure aux problèmes que peuvent poser l’agressivité d’un enfant ou de ses parents. La question est parfois sensible pour des parents qui craignent que leur enfant soit épinglé sous le signifiant « d’enfant violent ». Vous lirez comment les professionnels tempèrent l’ardeur de quelques parents à traduire des événements qui surviennent dans la cour de récréation dans des termes qui risquent de stigmatiser des enfants. Dans les crèches, il arrive que les professionnels rencontrent des parents démunis face aux comportements de leur enfant. Il s’agit pour eux de décompléter le trop de conseils qu’ils ont reçus, parfois avant même la naissance de leur enfant, et qui, loin de les aider, les désoriente souvent. Vous lirez comment, dans une école, une conversation proposée aux enfants par une psychologue a permis de dégeler des significations et d’offrir d’autres issues à la violence.

Le signifiant et ses vertus identificatoires est aussi ce qui permet d’extraire le tout-petit de la violence de l’imaginaire, comme le montre remarquablement la petite Eléa à travers le texte de Morgane Léger. L’énoncé « moi fille », qui surgit suite à une intervention éclairée de la praticienne qui s’occupe d’elle, permet un franchissement structural et rompt avec l’agitation transitiviste de cette petite fille.

Ces professionnels de la petite enfance font l’expérience de la radicalité pulsionnelle du tout-petit, là où pour lui le refoulement n’a pas encore opéré, là où la jouissance n’est pas encore domptée par la loi du désir((Cf. Miller J.-A., « Enfants violents », Après l’enfance, Paris, Navarin, coll. La petite Girafe, 2017, p. 198.)). S’orienter de ce réel pour tisser avec les parents une trame symbolique en défaut face à l’énigme qu’est parfois pour eux leur tout-petit, est le point que nous transmet Véronique Lecrénais-Paoli dans les « Scènes de crèche » qu’elle a prélevées.

La morsure qui tranche dans le réel est l’acmé de la violence de la pulsion. L’enfant qui mord met les adultes en difficulté et est un motif récurrent de consultation comme en rend compte Beatriz Gonzalez-Renou dans les enseignements qu’elle tire de la clinique des enfants « mordeurs en série ».

Pour terminer, Florence Hautecœur nous donne l’écho d’un roman de la dernière rentrée littéraire qui traite du ravage que peut provoquer pour une femme l’arrivée d’un enfant quand ce réel la plonge dans une solitude radicale.

Maryse Roy & Angèle Terrier