Édito n°10 : Graine de violence

La préparation de la Journée « Enfants violents » bat son plein. Ce nouveau numéro du Zappeur reflète les multiples directions dans lesquelles le thème est exploré : le cinéma, la littérature, la clinique… Tout cela ne déflore en rien le contenu lui-même de la Journée, lequel constituera le point d’orgue de deux années de travail impulsées par le formidable texte de Jacques-Alain Miller((Miller J.-A., « Enfants violents », Après l’enfance, Paris, Navarin, coll. La petite Girafe, p. 195-207.)) au sein de l’Institut de l’enfant.

Ainsi nous arrive-t-il de lire l’actualité au prisme de ce thème, et parfois de découvrir au détour d’un article une pépite qui éclaire notre recherche. Tel ce témoignage de Tim Raue, jeune chef allemand doublement étoilé, lorsqu’il affirme : « Je ne serais pas devenu chef étoilé s’il n’y avait pas eu cette force destructrice en moi […] contre laquelle je me bats tous les jours depuis trente ans. »((Luyssen J. « Tim Raue, De l’aigre au goût », article paru dans le journal Libération, édition du 26/27 janvier 2019.)) Celui-ci a rencontré « une graine de violence » lorsqu’il était enfant et qu’il a su transformer en force créatrice. « Cette graine était comme pointée directement vers mon estomac. Elle a grossi, jour après jour. »((Ibid.)) Cette violence, d’abord subie, se transforma le jour où il rentra chez lui et qu’il trouva son père qui l’attendait dans le salon : « Il avait bu. Il me dit que je ne suis qu’un bon à rien, un débile, que je n’arriverai à rien. Il me bouscule et commence à vouloir me taper, mais je parviens à l’éviter et je le jette au sol. Quelque chose dans mon regard fait qu’il ne s’est pas levé. C’est la dernière fois qu’il a essayé de me frapper. J’ai ce regard en moi depuis. Cela continue à être une expression chez moi qui symbolise ça, la centrale nucléaire diabolique que ces humiliations enfantines ont construite en moi. Pendant de longues années, j’ai utilisé ça comme une arme, un tic non verbal qui tuerait toute discussion dans l’œuf. C’est seulement avec le temps que j’ai réussi […] à utiliser cette énergie pour créer des plats. »((Ibid.))

Pour la psychanalyse, la graine de violence est à considérer avec respect, car elle peut être source de vie.

Hervé Damase