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En-quête

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Anna 12 ans vient ren­con­trer l’analyste pour trai­ter une angoisse qui la sub­merge lorsqu’elle doit sor­tir de la mai­son. Dans les séances, sa copine enva­hit son dis­cours, elle en parle sans cesse. Il fau­dra un cer­tain temps à l’analyste pour sai­sir qu’elles ne se parlent pas de vive voix mais qu’elles s’envoient des mes­sages et des sel­fies sans que leur corps soit en pré­sence, elles ne se connaissent que par l’écran. Cela entre­tient le repli d’Anna dans sa chambre qu’elle décrit comme le lieu de pré­di­lec­tion « de sa vie pri­vée » inter­dit aux autres membres de sa famille.

C’est à chaque fois un éton­ne­ment que d’entendre les jeunes dire aus­si bien dans les ren­contres cli­niques que dans le quo­ti­dien qu’ils parlent avec leurs amis alors qu’ils sont face à leur écran. Ce qu’ils appellent par­ler, consiste donc à écrire et à lire des mes­sages sur écran sur le mode “d’écrire comme on parle”, et aus­si à fil­mer et regar­der des vidéos.

Que se passent-ils sur ces écrans de si pré­cieux pour que des mil­lions de jeunes passent une très grande par­tie de leur temps sur les réseaux sociaux ? Des sites, des blogs se mul­ti­plient pour mettre en garde les parents, les ensei­gnants, les édu­ca­teurs sur les dan­gers de ces fré­quen­ta­tions du net en dénon­çant les inci­ta­tions à la vio­lence, la por­no­gra­phie, les abus sexuels…

Les réseaux sociaux ne sont-ils que fas­ci­nants ou néfastes ?

J’ai sou­hai­té pour ten­ter de répondre, mener une petite enquête auprès de jeunes de douze à dix-huit ans de mon entou­rage pour appré­hen­der ce nou­vel usage de la parole et d’en cer­ner quelques effets captivants.

Le best

Á cette occa­sion, j’ai appris que le nou­veau réseau social chi­nois “TikTok” ren­contre un suc­cès pla­né­taire sur­tout auprès des jeunes de dix à quinze ans. Avec 500 mil­lions d’abonnés, dont plus de 2,5 mil­lions en France, TikTok est l’application la plus télé­char­gée au monde qui se veut créa­tive. TikTok dépasse déjà les géants : Snapchat, Whatsappet Instagram. Elle a popu­la­ri­sé plu­sieurs chan­sons, pro­pul­sé des uti­li­sa­teurs au rang de per­son­na­li­tés sur le Web ; elle est aus­si très appré­ciée par de très jeunes célébrités.

Qu’a‑t-il de si atti­rant ce réseau TikTok ? Il per­met à l’utilisateur, une fois, son compte créé, de faire des vidéos ludiques type sel­fie de quinze secondes, de les par­ta­ger et d’en vision­ner d’autres. L’application com­porte de nom­breux titres musi­caux de genres dif­fé­rents. L’utilisateur choi­sit pour se fil­mer, le plus sou­vent une chan­son qu’il chante en play-back et sur laquelle il danse ou « fait une cho­ré ». Il peut aus­si mimer des scènes de film et s’en croire l’acteur. Pour per­son­na­li­ser sa vidéo, il a sa dis­po­si­tion des effets visuels, de mou­ve­ment et des filtres. Mais ce qui se veut créa­tif n’est que la façade d’un corps clo­né qui se réduit à une image belle visant à la perfection.

Les filles ont une place de choix sur ce réseau. Elles ont toutes, les che­veux longs, la poi­trine rehaus­sée, le t‑shirt cou­pé sous les seins, le nom­bril dénu­dé, les fesses rebon­dies, le même visage lisse et déver­gon­dé. Ainsi, selon un you­tu­beur célèbre « Sur TikTok, tout est fait pour être beau et cau­ser l’en­vie des autres ».

Les des­sous

La plu­part des clips montrent de très jeunes filles dès l’âge de dix ans, le visage maquillé, chan­tant en exé­cu­tant des danses très sug­ges­tives. Celui qui visionne les vidéos sur Tiktok est frap­pé par leur carac­tère sexuel dépla­cé et licen­cieux. Il est cer­tain que la fic­tion n’est pas au rendez-vous.

La course effré­née aux likes et aux abon­nés, recon­nais­sance ultra recher­chée par les jeunes filles, les pousse à s’exhiber dans des danses de plus en plus sexy où le débor­de­ment pul­sion­nel ne cesse de se montre dans les déhanchements.

Les com­men­taires asso­ciés au like qui suivent la vidéo sont d’une grande pau­vre­té ; ils se limitent aux appré­cia­tions por­tées sur le phy­sique mais peut-il en être autre­ment au regard que ce qu’est TikTok ? Les plus édul­co­rés notent « Tu es belle », « Tu as un corps de rêve » mais les com­men­taires peuvent sur­tout être de moqueurs à très insul­tants. Ces vidéos de jeunes pré­pu­bères dénu­dées sur la toile pro­voquent des vio­lences : insultes, com­men­taires hai­neux et har­cè­le­ment sexuel mis en ligne par des uti­li­sa­teurs malveillants.

Si à la puber­té, la curio­si­té pour la sexua­li­té qui tur­lu­pine chaque jeune dans sa recherche de la voie d’une sexua­li­té assu­mée n’a pas atten­du les réseaux sociaux pour se mani­fes­ter,  elle se montre aujourd’­hui sur TikTok sans le voile de la pudeur.

Afin de sor­tir de cette impasse, une pudeur doit s’inventer qui tienne compte de ce nou­vel usage de l’image et de la parole où règne la haine, l’agressivité et la vio­lence afin de trai­ter ce trop jouissance.

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