Un savoir nouveau, à élaborer

« Magistrale torsion : la question de la fin de la psychanalyse est abordée par Lacan à partir de l’entrée en analyse » 

J.-A. Miller 

Or aujourd’hui, des enfants entrent en analyse. La conduite de la cure, et tout spécialement son début et sa fin, intéresse les enfants du temps présent et cela de deux façons. 

Par la « mise » du praticien quand il reçoit un enfant, concernant un symptôme dont il souffre ou un trouble dont son entourage se plaint ou se soucie. Pour un praticien formé à la psychanalyse d’orientation lacanienne, telle qu’elle se pratique et se transmet par les Écoles de l’AMP, cette mise est en lien direct avec ce qui s’est dégagé ou qui se dégage dans sa propre cure analytique. De quoi s’agit-il ? D’une affaire de séparation. Le praticien en analyse a vérifié son « aliénation », sa dépendance aux signifiants reçus de l’Autre et à son désir, c’est le moins que l’on puisse en attendre, mais l’enjeu reste de sa séparation d’avec les objets qui donnent valeur de jouissance à ces signifiants et à ce désir, tout spécialement ceux qui restent celés dans cette concrétion qui s’appelle le fantasme et qui forme le cadre à la réalité. Il s’agit ici que la mise du patricien soit libérée de celle qui avait été la sienne de par sa propre enfance. 

Par la « mise » de l’enfant accueilli, en tant qu’il prend « goût » à cette rencontre singulière avec ses propres mots, avec ses objets d’élection, avec ses peurs, avec ses intérêts les plus singuliers, telle qu’elle s’effectue en présence de cette grande personne qui ne l’éduque pas, qui ne le gouverne pas, qui n’attend rien de lui sinon de se mettre à hauteur des questions qui se posent à lui et des réponses étonnantes qui ont pris forme en lui de symptôme ou de trouble. Aujourd’hui ces questions et ces réponses, telles qu’elles se transmettent aux enfants par de multiples canaux, qui débordent la famille et l’école, voire les asservissent à leurs fins, constituent l’ébauche d’un « savoir nouveau » encore insu de tous. N’est-ce pas en ce point que l’analyste peut rencontrer un enfant pour autant que lui-même laisse « raviver chez lui, dans sa pratique, la passion de l’ignorance, c’est-à-dire le désir de savoir, un savoir nouveau, à élaborer » (18), ici avec l’enfant, qui, lui, y entre de primesaut ? 

Le dernier enseignement de Lacan et la lecture que Jacques-Alain Miller en fait dans cet ouvrage, avec ses conséquences immédiates sur les cures et médiates sur les institutions que se donnent les psychanalystes, nous donnent aujourd’hui le courage de soutenir ce désir, qui n’était jusqu’alors inscrit dans nulle destinée. C’est ainsi que j’entre dans la lecture de ce livre et de ses références.