Tendance à l’agression et pulsion de mort
Conversation clinique avec Adriana CAMPOS, psychanalyste, membre de l'ECF, vice-présidente du CIEN.
Mercredi 8 octobre à 21h
Le laboratoire Le pari de l'a-conversation propose une conversation sur le thème, "Tendance à l'agression et pulsion de mort ".
Freud n'a pas cru au conte de fées du progrès technique. Chacune des très hautes conquêtes de l'existence se paie en renoncement. Il suffit, disait-il, de regarder les enfants qui, par leurs jeux emplis de joies de soldat et de cruauté occasionnelle, encore dénués d'entrave morale, témoignent clairement d'une tendance à l'agression, qui peut parfois persister dans un certain refus des exigences sociales qu'impose le fait de devenir civilisé. L'homme civilisé lui-même réalise parfois combien la civilisation a un prix : son malaise et ses symptômes en représentent la valeur, transformant parfois un sentiment occasionnel de lassitude en un positionnement tragique vis-à-vis du monde. Dans Malaise dans la civilisation [1], avec lucidité, Freud éclaire en quoi le bonheur n'est pas au programme de la civilisation. Il ne s'agit pas de pessimisme, il ne prône pas le désespoir, mais s'interroge sur les causes de ce qui cloche dans le monde, et sur la résurgence répétitive et impérative de la violence au cœur même de la civilisation. Comme l'écrit Adriana Campos, dans son livre, Ce que commande le surmoi. Impératifs et sacrifices au XXIe siècle, « malgré l'allègement de la morale traditionnelle, l'humanité n'a pas été libérée du poids des injonctions » [2]. Le surmoi, entre pulsion et contrainte, décèle un fait de structure, à la fois civilisateur et féroce. Comme le dit Jacques-Alain Miller: «même si la formule n'apparaît pas ainsi chez Freud, la pulsion de mort, [...] c'est la pulsion du Surmoi [3] ». Le surmoi est un destin de la pulsion de mort, son destin civilisé. Finalement Freud a dévoilé que « lutter contre [l'agressivité peut rendre] tout aussi malheureux que l'agressivité elle-même » [4].
Ce réel crève l'écran de l'actualité quand des jeunes ne trouvent pas d'autre issue que celle de la violence, parfois extrême et irréversible, dans leur rapport aux autres ou à eux-mêmes. Une série d'agressions à l'arme blanche, parfois meurtrières, commis par des adolescents envers d'autres, la hausse des tentatives de suicide et des suicides témoignent de ce qui peut se nommer une impasse dans la civilisation.
Mais alors comment faire avec cette tendance à l'agression, autre nom de l'impératif surmoïque, répétition du trauma, « mouvement vers la mort qui affecterait le vivant en tant que tel » dit Jacques-Alain Miller, pulsion de mort selon Freud, pousse-au-jouir dit Lacan, très actualisé dans notre monde contemporain ?
[1] Freud S., Malaise dans la civilisation, PUF, 1971.
[2] Campos A, Ce que commande le surmoi impératifs et sacrifices au 100e siècle, PUR, 2022.
[3] Miller J-A, "Biologie lacanienne et événement de corps", La Cause freudienne, n°44, 2000, p. 20. [4] Freud S. "Préface" de Clotilde Leguil Le Malaise dans la civilisation, Editions Points, 2010, p. 168-170.
Lieu:
Visio conférence ouverte au public
Renseignements et inscriptions :
leparidelaconversation@gmail.com