Texte de présentation

L’exploration des textes de Freud, Jacques Lacan, Jacques-Alain Miller et d’élèves de J. Lacan sur le thème de la prochaine Journée de l’Institut psychanalytique de l’Enfant s’est avérée particulièrement révélatrice de la pertinence de la psychanalyse pour cerner ce qu’il y a de plus actuel dans la tension dont rend compte le titre de cette Journée.
Au fil des citations qui ont été prélevées, nous pourrons suivre comment s’est élaborée dans la psychanalyse le réel qui permet de rendre compte de ce qui nous exaspère, du terrible qui nous habite.
Freud en témoigne très rapidement avec l’analyse du petit Hans. À quoi a-t-il affaire exactement dans ce moment du déclenchement du symptôme ? Comment faire lorsque le symptôme surgit ? Comment nommer le « terrible » avec lequel il est aux prises ? Comment ses parents s’en débrouillent-ils ?
En mettant au premier plan la sexualité, Freud nous indique combien le sujet humain n’est pas toujours dans un rapport de plaisir avec celle-ci, mais plutôt soumis aux exigences de la pulsion qui commande. On peut lire aussi ses indications à propos de ce qui assaille le sujet : les questions sur la naissance, la mort, la naissance d’une sœur, d’un frère, le mensonge des adultes…
Écoutons Freud : « On trouverait difficilement une nursery sans conflits violents entre ses habitants. Les raisons de ces conflits sont : le désir de chacun de monopoliser à son profit l'amour des parents, la possession des objets et de l'espace disponible. Les sentiments hostiles se portent aussi bien sur les plus âgés que sur les plus jeunes des frères et des sœurs[1]». Nous pouvons l’entendre comme autant de points qu’il nous invite à ne pas banaliser. Ces petites choses anodines de la vie ne le sont pas tant que ça. Ce ne sont pas des remarques de nature sociologique ! Elles nous disent ce avec quoi chacun est aux prises en permanence.
Voilà quelques aperçus du « terrible » qui nous habite. Quel réglage la vie en famille apporte-elle à la jouissance en excès, déréglée, incontrôlable ? La solution œdipienne était apparue comme la solution possible permettant aux parents de ne pas trop s’exaspérer… L’autorité paternelle saurait bien canaliser cette puissance et la mettre au service de la civilisation.
Mais Lacan, dans « Les complexes familiaux », fait entendre le changement radical qui s’annonce en pointant le déclin social de l’imago paternelle.
De Freud à Lacan, un autre parcours se dessine qui permet de formaliser les conséquences de de ce virage : la vie en famille est de plus en plus gouvernée par les objets qui captent la jouissance des sujets, défont le lien social que la vie en famille a pour fonction de mettre en œuvre ! De quoi « exaspérer les parents » pendant que le « terrible » continue à sévir !
Nous avons donc fait une large place à la dimension du réel, à son élaboration par Lacan à la suite de Freud, à sa reprise par J.-A. Miller.
Le trait d’union entre « Parents exaspérés » et « Enfants terribles » peut nous indiquer le rapport de causalité qu’il peut y avoir. L’enfant est pris dans la dépendance au désir de l’Autre sous la figure de l’Autre parental.
À ce temps de l’enseignement de Lacan succède la mise en évidence du rapport au réel propre à chacun, et la manière dont il a à s’en faire responsable. Dans ce registre-là, il n’y a plus de rapport de l’un à l’autre. Le trait d’union est un trait qui sépare et laisse chacun seul avec le réel qui le tenaille… seul, mais pas sans la rencontre avec le discours analytique. C’est ce qui nous est apparu comme le point qui permet de dire l’actualité de ce thème.

 

[1] Freud S., Introduction à la psychanalyse, Paris, P. B. Payot, 1974, p. 189-190.