Édito – Équivoque et malentendu

« Parents exaspérés — Enfants terribles », pour les uns comme pour les autres, c’est se retrouver dans des états où la parole n’advient plus. La parole en tant qu’elle s’adresse à un Autre, la parole en tant qu’elle délivre d’un discours, la parole en tant qu’elle dit aussi quelque chose de la jouissance d’un sujet. Quand des difficultés traversent les familles, une certaine pédagogie désignée par le terme de « parentalité » pointe sa « science », promettant des solutions aux parents angoissés. Déjà en 1953, Lacan mettait en garde les psychanalystes eux-mêmes contre « la tentation qui se présente à [eux] d’abandonner les fondements de la parole, et ceci justement en des domaines où son usage, pour confiner à l’ineffable, requerrait plus que jamais son examen : à savoir la pédagogie maternelle, l’aide samaritaine et la maîtrise dialectique[1]». L’analyste est là pour faire une place à la parole de chacun. Nous avons tous fait l’expérience dans notre clinique d’un enfant, même tout petit, qui pouvait dire, une fois reçu seul, tout autre chose que ce que ses parents pensaient être cause de son comportement.
« Parents exaspérés — Enfants terribles », ces mots résonnent dans les discours parentaux et pas seulement quand il s’agit d’adolescents.

Dans la rubrique d'actualité, Marie-Hélène Brousse nous en propose une déclinaison avec la question des écrans. Thème on ne peut plus actuel, mais également à considérer comme « mutation », celle de la « civilisation de l’image », à l’instar de la mutation de l’imprimerie au XVIe siècle. Cette mutation a des effets sur le lien social, notamment des effets d’impasse et M.-H. Brousse montre que c’est l’équivoque conceptualisée par Lacan qui permet une issue. Ainsi, même si l’image l’emporte sur la lettre, le rapport au langage reste primordial.

Philippe Lacadée déploie cette thématique fondamentale de l’enseignement de Lacan dans son texte publié dans ce Zappeur. Partant d’une très belle évocation de Lacan issue de sa vie, P. Lacadée montre que ce qui fonde le lien parents / enfants, ce n’est pas une symbiose, mais la « discordance du malentendu ».

[1] Lacan J., « Fonction et champ de la parole et du langage en psychanalyse », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 243.