Edito

Il est courant que l’enfant soit amené par ses parents pour voir le psy, car il fait « des crises », dont le bruit et la fureur masquent, ou le malentendu criant au sein du couple parental, ou un événement singulier ou tout autre élément savamment oublié. Cette crise de l’enfant voile ainsi la crise au sein de la famille, dont l’enfant a un savoir parfois insu, fait de non-dits qui l’agitent et noircissent parfois ses nuits. C’est ce que démontre Dominique Holvoet dans son texte « La crise : principe organisateur de la famille ? » de ce numéro : « L’instance critique est ici l’enfant, mais il l’est au titre de symptôme de la vérité du couple parental. L’enfant se trouve en place d’incarner un enjeu de jouissance aux prises avec le malentendu fondamental qui l’a fait naître.[1]»
Le langage courant emploie le terme crise à tout-va – dans un empan suffisamment vaste pour inclure aussi bien l’adolescent en crise que la crise financière. Le flou qui entoure ce mot permet d’éviter d’en dire davantage. C’est pourquoi, dans certains cas, il faut questionner le parent qui énonce que son enfant fait des crises, ce qui permet ainsi d’apprendre que le simple « Non » de l’enfant a parfois valeur de crise. Jacques-Alain Miller indique qu’« il y a crise, au sens analytique, quand le discours, […] les rites, la routine, tout l’appareil symbolique, s’avèrent soudain impuissants à tempérer un réel qui n’en fait qu’à sa tête[2]». Dès lors, une crise « est le réel déchaîné, impossible à maîtriser[3]».
Outre l’ouragan qu’elle est, la crise dans la famille a pour particularité non de redistribuer les places – bien que cela puisse avoir lieu –, mais d’actualiser l’écart entre la place idéalisée et la place obtenue, témoignant bien de la débâcle symbolique en court et du déchaînement du réel. Notons, avec D. Holvoet, que la crise familiale est davantage constituante que constituée, car « l’essence de la crise, c’est la langue elle-même, en tant qu’elle est un malentendu permanent[4]».
Pour la rubrique « Actualité », Alexandre Hugues analyse le schisme survenu suite à la fake news concernant l’interdiction de cette modalité de réponse à la crise de l’enfant qu'est le fait de l’envoyer au coin. En effet, nous avons dorénavant les tenants d’une « parentalité exclusivement positive » et les fervents défenseurs d'une parentalité « ferme et bienveillante »[5].

[1] Holvoet D., « La crise : principe organisateur de la famille ? », Le Zappeur, 14 décembre 2022, disponible sur le site de l’Institut psychanalytique de l’Enfant du Champ freudien.
[2] Miller J.-A., « Une crise, c’est le réel déchaîné », entretien, Marianne, 11 octobre 2008, disponible sur internet.
[3] Ibid.
[4] Holvoet D., « La crise : principe organisateur de la famille ? », op. cit.
[5] Hugues A., « “Parentalité positive”, négatif du désir », Le Zappeur, 14 décembre 2022, disponible sur le site de l’Institut psychanalytique de l’Enfant du Champ freudien.