Édito

Dans une série d’entretiens radiophoniques accordés à Philippe Bresson, le charismatique acteur Rupert Everett raconte, avec passion, l’origine de son goût pour le théâtre dès son plus jeune âge.

Il dévoile ce moment précis et intime de son enfance. Après avoir vu Julie Andrews interpréter Mary Poppins, il se dit qu’il est en fait l’enfant de l’actrice. Plus spécifiquement, il est sa fille. C’est évident pour lui et il raconte à tous ses camarades, impressionnés, que sa mère est trop busy, trop sollicitée en tant qu’actrice, pour s’occuper de lui, c’est pourquoi il ne vit pas avec elle.

Tout le monde le croit. Il commence ainsi à jouer à la fille de Julie. Il prend en douce une jupe en tweed rouge de sa mère et interprète son premier rôle en cachette. Jusqu’au moment où sa mère, apprenant ce dont il a convaincu tous ses camardes, se montre bouleversée. Le jeune Rupert, affecté en retour, renonce à cette fiction. Il nous apprend alors avec malice qu’il s’imagine en Bernadette Soubirous, sainte du XIXesiècle…

Quelques années plus tard, ayant compris qu’un garçon pouvait aimer les garçons, il découvre qu’il peut jouer à être fille quand il le veut, à la vue de tous, en montant sur les planches et en interprétant des rôles féminins. Il a trouvé là quelque chose qui pouvait répondre à ses questionnements. De cette fable d’enfant, pas sans l’intervention de sa mère, il fait carrière.

On peut se demander si, de nos jours, ce « ressenti » d’être la fille de Julie Andrews obligerait l’État à changer son nom sur son état civil. Cela se compliquerait alors quand il pense être Bernadette Soubirous…

 

Si cette hypothèse paraîtra farfelue à certains, pourtant la demande de communautés trans de proclamer « autodétermination » les fictions ou jeux de rôles par lesquels des enfants en passent soulève l’interrogation.

L’entretien que Catherine Lacaze-Paule a donné à Caroline Nissan pour un atelier de recherche de l’Institut psychanalytique de l’enfant du Champ freudien précise la distinction entre le temps pour se déterminer et l’idée d’une « autodétermination » qui prétend évacuer tout Autre. Il apporte un éclairage sur les présupposés de demandes telles que la suppression de la mention du sexe à l’état civil.