Petite enquête sur la violence à l’école maternelle

Comment l’expression « enfants violents » résonne-t-elle pour les professionnels d’école maternelle ? Une conversation a eu lieu entre des intervenants d’une institution parisienne de la FIPA((Le CLAP-Passage des tout-petits : un lieu d’accueil enfant-parents, institution membre de la FIPA (Fédération des institutions de psychanalyse appliquée).)), deux directrices d’école et deux psychologues scolaires.

D’emblée, ces professionnelles nuancent le signifiant violent  « Violent, c’est négatif, ça stigmatise. On dit plutôt qu’ils sont agressifs quand ils ont des difficultés avec le langage… C’est une forme de communication normale à cet âge-là. » Toutefois, une des directrices évoque des enfants en grande difficulté ayant des gestes très agressifs, « avec volonté de faire mal » où une prise en charge par des spécialistes s’impose et où la tendance actuelle est surtout de vouloir poser un diagnostic.

Du côté des parents la question est très sensible. Le thème de « l’agressivité dans la cour » revient régulièrement à l’ordre du jour des conseils d’école. Ces professionnelles notent « une tolérance zéro » de la part de quelques familles qui s’inquiètent facilement lorsque leur enfant revient de l’école avec un bleu. « C’est souvent un petit accident, une petite bagarre, vite transformés et généralisés à la question de l’agressivité dans la cour… Le fait est amplifié car des parents s’envoient les informations par mails et tout le monde est au courant… leur enfant est victime et l’agresseur coupable. » Ils sont prompts à en faire le reproche à l’institution scolaire : « c’est l’école qui apprend à être violent puisqu’on y apprend les gros mots et la bagarre ».

Mais que se passe-t-il du côté des enfants dans la cour de récréation ?

  • Des conflits, bien sûr, souvent conséquences de rivalités pour occuper la place de celui qui commande. Une anecdote : « Six garçons voulaient jouer ensemble mais chacun voulait être le chef. Ils ont passé leur temps à se disputer cette place et finalement n’ont pas du tout joué », se souvient une directrice.
  • « Des coups, manière maladroite de rentrer en contact par sentiment de solitude ou manque de mots, mais qui fait peur aux autres. » Cela a un effet paradoxal : « l’agressivité rend un enfant solitaire mais la solitude alimente son agressivité. »

Comment ces professionnelles réagissent à ces situations d’agressivité ? Elles arrivent à inventer des réponses institutionnelles :

Une directrice a vu des familles se mobiliser contre la venue d’un enfant stigmatisé dès la crèche comme étant violent. Elles avaient demandé que leur enfant ne soit pas dans sa classe. « Nous, on mobilise tout le monde, enseignants, animateurs, etc., pour voir ce qui se passe avec le nouveau venu à chaque moment de la journée pendant quelques jours. Après, on essaie de chercher des pistes. Certes, il était agité, mais personne n’a noté d’agressivité. » Il a été surtout question de déconstruire l’étiquette d’« enfant violent » et de gagner la confiance de sa famille.

Une psychologue scolaire a eu l’idée de mettre en place une conversation avec les enfants d’une classe désorientée par un élève très difficile et violent. « La majorité des enfants ont pu dire qu’ils avaient peur et comment ils faisaient pour l’éviter… Ils n’étaient plus seuls avec ça. » Mais d’autres ont dit : « moi, je suis copain avec lui », puis « on pourrait lui proposer de jouer avec nous au lieu de se bagarrer ». « Ce fut un moment très fédérateur. Cela a permis de changer le regard des enfants sur ce camarade et à son retour, il sera mieux accueilli, ce qui va l’aider. »

Pour ces professionnelles, les trouvailles sont à faire au cas par cas : « Ce n’est jamais gagné. Avoir une réponse immédiate est impossible et nécessite de réfléchir à plusieurs. Il faut avoir cette capacité de laisser du temps. C’est un travail toujours en mouvement et constamment à refaire. »

Sylvia Fiori & Angèle Terrier