Du phallus comme signifiant au zizi des mots

Par Florence Hautecœur

 

Zizi est un signifiant qui revêt pour les tout-petits une importance particulière, par sa sonorité proche de l’onomatopée, par sa prise sur le corps et sur la jouissance, par l’énigme qu’il recouvre.

Alors, quand je découvre un album jeunesse qui s’intitule « le zizi des mots [1]» ma première réaction est de penser que derrière la couverture se cache une histoire drolatique et inventive où les mots eux-mêmes seraient dotés d’un zizi.

Lorsque j’ouvre l’album, me voilà plutôt – non sans une pointe de déception – devant un imagier construit autour d’une opposition entre un mot masculin et son pendant au féminin, et illustré par deux images soulignant le changement de sens dans ce passage. Par exemple un mandarin / une mandarine ou un marinier / une marinière. Pour un album jeunesse, le niveau d’abstraction me semble un peu élevé, un Mandarin ou un Charentais ne faisant pas partie du vocabulaire usuel des enfants, sauf en Charentes peut-être. Mais surtout, me dis-je, pourquoi avoir choisi de représenter une charentaise – le chausson – ou une marquise – le fauteuil – pour les mots au féminin ? C’est donc un imagier sur l’équivoque de la langue ? Tiens, voilà qui serait intéressant. Y aurait-il un zizi et une zizi, dont la signification m’aurait échappé jusque-là ? Il est vrai que Zizi est un prénom, qui plus est féminin, comme Zizi Jeanmaire ou la petite sœur de Titeuf, que connaissent bien des enfants – certes un peu plus grands.

Chacun y va de sa fiction sur la langue, car la lecture de la préface me réserve une surprise. L’auteur y explique son propos : il s’agit d’illustrer par cette opposition « un sexisme quotidien tellement discret, tellement sournois, tellement traitre que tout le monde en est dupe [2]». Là où le masculin désigne une personne, le féminin désigne systématiquement un objet ou un animal. Les mots sont donc machos. Je reste coite. Support d’une discussion avec l’enfant, le livre s’inscrit dans une visée pédagogique à l’heure de l’écriture inclusive et du néo-féminisme.

Écartant le choix d’une fiction jeunesse, l’album est pourtant sous tendu par une fiction, celle de l’auteur qui, en prenant le mot pour la chose, le genre grammatical pour le sexe, étend le registre de la revendication phallique à la langue elle-même.

Je m’y perds et me revient alors comme une boutade le refrain de cette chanson volontairement provocatrice de Pierre Perret « Tout, tout, tout, vous saurez tout sur le zizi… [3]».

[1] Brami É., Le zizi des mots, Saint-Mandé, Talents hauts, 2015.

[2] Ibid.

[3] Perret P., « Le Zizi », Album Le Zizi, 1975.