Édito

Par Nicole Borie

Le thème de la journée de l’Institut de l’Enfant fait résonner dans les laboratoires du CIEN (Centre interdisciplinaire de l’enfant),  la nécessité de prendre acte des impasses du rapport du sujet, enfant ou adolescent, à son corps et à celui de l’autre. Les professionnels, ouverts à la dimension du symptôme et de l’après coup, propices à l’interprétation orientée par l’éthique analytique, peuvent ne pas être fascinés par les manifestations à caractère sexuel spectaculaires qui déroutent leurs collègues.

De la masturbation affichée aux obscénités des corps exhibés, jusqu’aux gestes déplacés à l’encontre d’un autre enfant voire d’un adulte ; des insultes jaculatoires, délations sur les réseaux sociaux, aux couples d’adolescents hétérosexuels ou homosexuels soudés plus que collés : aucune de ces manifestations ne trouve de réponse suffisante dans l’interdiction ou la réglementation, l’indignation et le rejet.

La conversation dans le cadre de laboratoires inter-disciplinaires permet d’en prendre la mesure. Le terme de sexuation proposé par Jacques Lacan implique une construction singulière qui ne peut se réduire à des identifications sexuelles hâtives « bâclées à la 6, 4, 2 ». Comment la pulsion dévastatrice peut-elle se traiter ? Lorsque rien ne vient régler le rapport au sexe – ni la fonction phallique, ni le fantasme –, il reste le corps montré, support direct d’une jouissance exposée et muette.

La sexuation formalise un écart entre le semblant et l’acte. Pour ceux qui travaillent avec les enfants et adolescents, cet écart se travaille avec une différence que Jean-Robert Rabanel a dépliée lors de la première soirée de l’Atelier de l’Institut de l’Enfant, entre jouissance refusée et jouissance interdite. En effet, la psychanalyse n’oppose pas le signifiant et l’acte. Dire que non à la jouissance implique un partenariat avec l’enfant que l’interdit pour tous ne recouvre pas. Cette jouissance refusée est un traitement dans des situations qui implique dans l’enfant, le sujet et son répondant. Cela ne peut pas se faire sans le désir incarné de quelques adultes répondant de la part impossible à dire pour un autre, cet être-pour-le-sexe.

C’est là où la formule de Lacan, l’être-pour-le-sexe, qu’il avance en contrepoint de celle de Heidegger, l’être-pour-la-mort, éclaire le terme de sexuation dans ce travail incessant entre les points de fixation de la jouissance infantile, et la confrontation avec le manque à être qui est aussi le défaut d’écriture de la différence des sexes, soit une sorte d’impossible à dire ce qu’est l’être-pour-le-sexe. Entre sexualisation et sexuation, une énigme à soutenir auprès des enfants et adolescents placés, y compris dans la famille.

Dans les travaux des laboratoires du CIEN, nous repérons comment les intervenants (éducateurs, enseignants, assistants sociaux), qui accompagnent ces filles et ces garçons, construisent dans chaque situation d’autres issues que celles d’une sexuation devenue impossible, de s’être révélée hors des lois symboliques.