Édito : Zappeur Spécial petite enfance.

"Mais qu’est-ce que c’est que ça ?"

Par Angèle Terrier

Mais qu’est-ce que c’est que ça ? Telle est la formule utilisée par Jacques Lacan dans sa « Conférence à Genève sur le symptôme[1] » pour condenser l’énigme que constitue chez certains êtres la rencontre avec leur propre érection et en particulier pour le petit Hans, cas freudien célèbre et source inépuisable pour s’enseigner sur la question de comment le sexe vient aux enfants.

Tout parlêtre est nécessairement touché, percuté, par la question du sexe et pourtant, c’est toujours dans une contingence qu’elle se présente à lui. Dans son témoignage de passe, Sonia Chiriaco nous transmet cette pépite : alors que la petite fille entonne une chansonnette en troquant sans le savoir – pure jouissance de lalangue – un signifiant pour un autre, le rire du père dévoile brutalement le sens sexuel des paroles de la chanson et fait honte à la petite fille qui s’en trouve bête[2]. La clinique nous enseigne que la rencontre avec la réalité sexuelle extrait le jeune sujet de la jouissance de lalangue et le propulse comme sujet de son énonciation.

Ce Mais qu’est-ce ce que c’est que ça ? épingle un réel qui traverse chacun des textes qui composent ce numéro spécialement consacré à la sexuation des tout-petits.

Isabelle Magne nous invite à découvrir à travers une vignette clinique que la sexuation concerne quelque chose qui se dessine pour un sujet dans la rencontre des mots avec le corps[3]. Cette petite fille de quatre ans explore avec le symbolique et l’imaginaire l’insaisissable de son être féminin et trouve dans lalangue la liberté de conjuguer les genres à sa guise. Ce mouvement d’élision face au miroir, ce non-spécularisable qui intéresse Lacan dans la référence à Jenny Aubry présentée par Morgane Léger, n’est-ce pas aussi ce que tente de représenter la petite fille qui, dans sa rencontre avec Isabelle Magne, trace deux traits à l’endroit du sexe ? Morgane Léger évoque quant à elle une petite fille de trois ans qui est vue en train d’allaiter sa poupée. La parole de l’adulte produit sur elle un regard puis un affect de honte, dévoilant alors la valeur érotique de la scène pour la petite fille.

Une enquête menée dans la littérature enfantine par Sylvia Fiori et Florence Hautecœur nous mène tour à tour dans une véritable querelle du phallus puis à la pointe de ce qu’est le discours féministe aujourd’hui, voulant dénoncer le sexisme de la langue auprès des jeunes lecteurs. Enfin, Camille Pericaud nous délivre le secret du grand succès auprès des petites filles du dessin animé La Reine des neiges qui tient selon elle à ce que la fiction traite de la jouissance pas-toute.

En touche finale, Barbara Veyri nous fait la surprise d'un supplément Manga très freudien sur la curiosité sexuelle et le désir de savoir.

[1] Lacan J., « La conférence de Genève sur le symptôme », La Cause du désir, n°95, avril 2017, p. 13.

[2] Chiriaco S., « La peur d’être bête », La Cause freudienne, n°56, janvier 2004, p. 205.

https://www.cairn.info/revue-la-cause-freudienne-2004-1-page-205.htm

[3] Cf. Lacan J. op.cit,. p. 12.