Actualité de la JIE7

 

Dans le meilleur des cas, l’enfant naît malentendu.

Son cri ne reçoit sens que de son interprétation au lieu de l’Autre. Il est donc d’abord et avant tout parlé par l’Autre.

Il l’est d’autant plus qu’il est avant tout – là aussi, dans le meilleur des cas – un « pôle d’attributs » [1], comme s’exprimait Lacan. Entendez qu’il surgit dans une trame signifiante (une histoire, dit-on) faite d’idéaux, d’attentes, d’espoirs, de craintes, de rejets, de traumatismes, de l’enfant que ses parents auront chacun été dans leur rapport à leurs propres parents, et que sais-je encore.

Bref, il advient du lit d’un désir, de modes de jouir qui structurent une grammaire conjugale singulière faite d’énoncés, de significations, qui fournissent les éléments primordiaux dont il se déterminera en réponsecomme un sujet de l’énonciation à nul autre pareil.

C’est de lambeaux [2] de la langue qui l’aura parlé que ses symptômes, voire l’ensemble de son mode d’être symptomatique, trouveront leur surdétermination, comme s’exprime Freud. Lacan dira, lui, que le sujet s’en fera « l’alphabet vivant » [3].

Autant de S1 qui ne répondent pas d’une quelconque domination, mais du fait de structure que « l’inconscient, c’est le discours de l’Autre » [4]. L’être parlant ne se réduit pas au fonctionnement de son cerveau, il est un fait de discours.

Les discours sur la parentalité sont les nouvelles guises des prêts-à-porter qui tentent depuis toujours, par l’éducation, de venir colmater ce malentendu fondamental – non-rapport, dira Lacan. Ce qui de leur philosophie fait nouveauté (tout, loin de là, n’y est pas neuf) est une réponse au nouveau qu’a introduit, dans ladite relation parents–enfants, tour à tour la déconstruction des rôles identificatoires, la remise en cause de la verticalité des modèles éducatifs classiques, le droit à l’égalité des conditions, l’accès du statut de l’enfant à la dimension de sujet de droit, l’appel toujours plus grand à l’horizon d’une autodétermination censée libérer de la contrainte et promouvoir la liberté de choix, l’horizontalité des accès au savoir, voire à sa production, la prolifération des objets plus-de-jouir du discours capitaliste, jusqu’à l’accès, via le Web, à la pornographie pour tous. Troubles dans l’éducation !

Quelles sont les formes symptomatiques nouvelles – tant côté enfants que côté parents – qui résultent de ces formes remaniées du discours du maître ? Quelle interprétation le discours psychanalytique peut-il en donner ?

C’est ce à quoi travaille l’Institut de l’Enfant depuis plus d’un an, en préparation à sa 7e Journée qui en constituera le point d’aboutissement. Cette préparation aura été remarquée par la qualité des contributions préparatoires qu’elle aura générées pour creuser et élucider le sillon de son thème : « Parents exaspérés – Enfants terribles ». De ce foisonnement de travaux issus de travailleurs décidés, il me plaît d’en extraire un pour rendre hommage à tous les autres.

Je renvoie ainsi le lecteur au texte d’Adriana Campos, paru dans le Zappeur n° 30 [5]. Elle y précise que « les bonnes intentions éducatives des parents contemporains sont rattrapées par l’insistance et les paradoxes de ce que Freud a isolé comme l’instance du surmoi ». Nous savons l’interprétation que Lacan a pu en donner : à la fois comme porteur de l’instance de l’interdit, mais dénudant tout autant sa face qui anticipe les pousse-au-jouir contemporains. « Aussi libre ou positive soit l’éducation qu’on lui donne, l’enfant ne pourra pas échapper au dominateur sadique qu’est le surmoi. Mieux vaut lui fournir quelques marques d’un désir non anonyme pour que, de la loi du langage, il accède à une version plus humanisée. » Eh bien, rendez-vous le 18 mars !

 

[1] Lacan J., « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : “Psychanalyse et structure de la personnalité” », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 652.

[2] Lacan J., « La psychanalyse et son enseignement », Écrits, op. cit., p. 446.

[3] Ibid.

[4] Lacan J., « Remarque sur le rapport de Daniel Lagache : “Psychanalyse et structure de la personnalité” », op. cit., p. 652.

[5] Campos A., « Pas d’enfance sans surmoi », Zappeur, n° 30, publication en ligne en vue de la 7e Journée de l’Institut psychanalytique de l’Enfant du Champ freudien, le 18 mars 2023, disponible sur internet https://institut-enfant.fr/zappeur-jie7/pas-denfance-sans-surmoi/.