À l’occasion de la parution de l’ouvrage de J.-A. Miller Comment finissent les analyses – Paradoxes de la passe aux éditions Navarin, Daniel Roy a proposé d’écrire au pied levé un court texte sur le thème : « La psychanalyse de l’enfant sous les lumières – et les ombres – de la fin de l’analyse ». J’ai indiqué immédiatement que j’espérai pouvoir répondre positivement bien que n’ayant pas encore reçu le livre de J.-A. Miller !
La psychanalyse de l’enfant est marquée, pour le psychanalyste, par la fin de sa propre cure. Pour moi cela a été la recherche d’un « signifiant nouveau »1 ce qui m’était venu de la pratique du tout dernier enseignement de Lacan comme que le nomme J.-A. Miller, pratique dont j’ai parlé déjà dans l’article : « L’acte incalculable »2. J’ai pensé que c’était le signifiant réel corrélatif de l’inconscient réel.
Je l’ai trouvé avec l’autisme. En 1977, Lacan indique ceci : « Bref, il faut soulever la question de savoir si la psychanalyse n’est pas un autisme à deux. Il y a une chose qui permet de forcer cet autisme – c’est que lalangue est une affaire commune. C’est justement là où je suis, capable de me faire entendre de tout le monde ici. C’est ce qui est le garant – ce pourquoi j’ai mis à l’ordre du jour de l’Ecole freudienne la transmission de la psychanalyse – le garant que la psychanalyse ne boite pas irréductiblement de cet autisme à deux. »3
Je l’ai trouvé également avec la distinction du signifiant articulé et du signifiant a‑structural de la langue, ou encore signifiant tout seul.
C’est ce qui oriente ma pratique avec les enfants …mais pas seulement.
Dans cette leçon du 17 mai 1977 Lacan énonce que « l’invention d’un signifiant est quelque chose de différent de la mémoire. Ce n’est pas que l’enfant invente – ce signifiant, il le reçoit, et c’est même ça qui vaudrait qu’on en fasse plus. Nos signifiants sont toujours reçus. Pourquoi est-ce qu’on n’inventerait pas un signifiant nouveau ? Un signifiant par exemple qui n’aurait, comme le réel, aucune espèce de sens ? On ne sait pas, ce serait peut-être fécond. Ce serait peut-être un moyen – un moyen de sidération en tout cas. Ce n’est pas qu’on n’essaye pas. C’est même en ça que consiste le mot d’esprit. Ça consiste à se servir d’un mot pour un usage que celui pour lequel il est fait, on le chiffonne un peu, et c’est dans ce chiffonnage que réside son effet opératoire. »4
Le lendemain matin, à la suite d’un contrôle avec un intervenant de Nonette, j’ai pu préciser, pour moi d’abord, dans la pratique à plusieurs ce que l’orientation à partir du réel analytique pouvait avoir de spécifique et cela m’a permis de distinguer, dans la pratique à plusieurs, la clinique de la réunion clinique – au cours de laquelle, à partir de signes infimes nous extrayons, ce que j’ai appelé des « pseudos concepts », signes infimes desquels nous nous faisons les destinataires 5, en vue d’une élaboration provoquée – et l’accompagnement, au un par un, orienté par le réel pour lequel le contrôle est indispensable.
Puis j’ai reçu le livre de J.-A. Miller dans lequel figure, aux pages 86–103, cet extrait de son cours, intitulé : « Vers un signifiant nouveau ».
1.Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV (1976–1977), L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre, leçon du 17 mai 1977, Ornicar ? n° 17–18, éd. Lyse, Paris 1979, p.23.
2.Rabanel J.-R., « L’acte incalculable », La Cause du désir n° 85, octobre 2013, Navarin éditeur, p. 75–78.
3.Lacan J., op.cit., leçon du 19 avril 1977, p.13.
4.Ibid., leçon du 17 mai 1977, p.21.
5.Cf. Laurent É., in Conversation d’Arcachon, AGALMA- Le Seuil, Paris, 1997, p.185–86.