Comment accueille-t-on aujourd’hui la parole de l’enfant sur sa famille ? En cabinet ou en institution, lorsque l’on rencontre un enfant il se peut qu’il ait un discours sur sa famille. Et d’ailleurs s’il n’en a pas, doit-on le pousser à parler de son roman familial ? La question est de savoir quelle lecture l’analyste a de la famille. Éric Laurent nous indique la nécessité de se défaire de l’Idéal de la famille, l’idéal de la mère, du père et de celui de l’enfant. « L’accent est mis sur l’enfant pris, non pas dans un Idéal mais dans la jouissance, la sienne et celle des parents[1]Laurent Éric, « L’enfant à l’envers des familles », La Cause freudienne, no 65, p.49 à 55.». Il s’agit pour l’enfant via le transfert de pouvoir répondre du désir ou de la jouissance dont il est le produit.
Ceci est possible à la condition que s’isole en acte le désir de l’analyste. Un cas aura été très enseignant à cet égard. Je reçois en institution un garçon pour un symptôme d’énurésie, les parents sont séparés. Dans un premier temps, il n’a de cesse de répéter les mêmes histoires. C’est la bagarre, et irrémédiablement, il se retrouve seul et il meurt. Je tente d’introduire une figure qui pourrait le protéger. Il n’y est pas insensible et s’en sert pendant quelques séances. Mais la pulsion mortifère itère. Alors que les parents veulent arrêter les séances, il construit une dernière histoire où « même ceux qui veulent le protéger n’y arrive pas, le bébé meurt », dit-il en riant. Il m’enseigne là un point éthique fondamental : la position fantasmatique de protéger l’autre ne sert à rien, n’a aucune opérativité analytique. Dont acte. Alors qu’il est, selon lui, l’heure de partir et que sa mère l’attend, je refuse que la séance se termine sur cette histoire et lui demande d’en produire une nouvelle. Il réfléchit et hésite sur la fin qu’il va donner à son histoire, « il y a deux choix ». Je lève la séance sur ce signifiant : oui il a un choix à faire. « Je choisis la vie » dit-il. 2 ans plus tard, il revient en séance. Alors que dans le premier temps, il était aux prises avec la tristesse maternelle en interprétant que son symptôme la rendait triste, dans le second travail, sa question est devenue : « comment faire pour ne plus être triste pour ma mère ». Il a choisi la vie, il a pu se faire responsable de sa propre jouissance, en la distinguant de celle de sa mère.