Hélène Bonnaud était l’invitée de Marie Sorbier, journaliste et productrice de l’émission Affaire en cours.
Une ouverture – en 6 minutes ! – sur le thème brûlant d’actualité de La sexuation des enfants, à l’occasion de la parution du volume de l’Institut psychanalytique de l’enfant du Champ freudien.
Vous pourrez y lire le texte d’Hélène Bonnaud, intitulé « Le genre, ça n’ex-siste pas », et ceux de nombreux collègues réunis par Hervé Damase, Daniel Roy et Laura Sokolowsky.
La Sexuation des enfants vient de paraître chez Navarin éditeur en librairie et notamment sur ecf-echoppe.com
On ne naît ni fille ni garçon, on le devient
Affaire en cours sur France Culture
Adopter son sexe
Le psychanalyste français, Jacques Lacan, emploie le terme de “sexuation” pour différencier le sexe comme donnée biologique et sa subjectivation par un être parlant. La sexuation est donc le processus par lequel l’enfant se découvre et se reconnait comme étant femme ou homme. Dans l’ouvrage collectif La sexuation des enfants, paru chez Navarin, on lit en introduction “Les médias et les réseaux sociaux diffusent en continue de nouveaux stéréotypes marqués par l’ambiguïté sexuelle ; la fluidité des genres est désormais prônée comme un nouvel idéal.”
Selon la psychanalyste Hélène Bonnaud, pour Jacques Lacan “L’anatomie ne donne pas la réponse à la question du sexe. ” En effet, l’être humain est soit homme soit femme et cela se détermine à la naissance. Toutefois, le sujet, c’est-à-dire l’enfant, ne se découvre garçon ou fille que dans un processus qui dure un certain temps en se questionnant sur sa sexualité.
On adopte son sexe, on consent à habiter le corps qu’on a et évidemment cela passe par des opérations imaginaires et symboliques qui ne sont pas toujours simples. Ce n’est pas forcément une évidence immédiate pour l’enfant d’être un garçon ou une fille.
“On ne naît ni fille ni garçon, on le devient.”
Devenir fille ou garçon se fait d’une façon qui ne se perçoit pas toujours ; ce n’est pas systématiquement des manifestations de refus ou d’acceptation de son genre. Ce sont des processus inconscients qui ont été décrits par Freud et ensuite par Lacan.
Le petit garçon, au moment de l’éveil de sa sexualité, se demande ce qu’il se passe dans son corps. Il n’a pas les moyens symboliques pour comprendre ce qu’il se passe au moment d’une érection. Cela peut tout à fait être une rencontre traumatique pour lui avec son sexe.
Par ailleurs, le genre neutre aujourd’hui signifie que l’on refuse qu’il y ait un binarisme. Jusqu’à récemment, la sexualité était alors pensée comme une différence, comme ce qui se repère de fondamentalement différent au niveau du corps. Ainsi, le genre neutre témoigne du fait qu’on ne se reconnait pas dans cette différence, ni dans l’un ni dans l’autre. Selon Hélène Bonnaud, c’est une façon de contester ce binarisme et de refuser la jouissance telle qu’elle se commet pour l’homme et pour la femme.
La fluidité du genre : un phénomène de mode ?
Pour Hélène Bonnaud, le discours de la fluidité du genre prend de l’ampleur en soutenant que toute la théorisation de la sexualité avec ce couple homme femme n’est plus opératoire ; et cela introduit l’idée qu’il existe de multiples façons d’occuper la place d’une femme et d’un homme.
Les psychanalystes ne sont pas étonnés et ont depuis longtemps repéré qu’être un homme et être une femme cela n’est pas facile, cela n’est pas une donnée immédiate : On le devient. Même lorsqu’on occupe cette place dans sa tête on rencontre des tas de symptômes, des tas de difficultés ne serait-ce que dans le couple ou dans la façon dont on se présente ou dans la façon dont on se sent homme ou femme. Tout cela n’est pas écrit à l’avance car nous sommes des êtres parlants et nous n’avons pas d’inscriptions instinctuelles de ce que c’est qu’un homme et une femme.
La désignation du genre ne suffit pas à répondre à la question “Qui suis-je ?”. En effet, d’après Hélène Bonnaud, être femme ou être homme n’est pas fixé au point d’appartenir à une norme féminine ou masculine. Les corps, les idéaux, les manières de se sentir femme ou homme changent et apparaissent au grand jour. Autrefois, l’être humain était assujetti à occuper un certain mode d’être dans la façon de paraître, de parler, de s’habiller, de se comporter ; mais aujourd’hui, il peut y avoir une indifférenciation entre une femme et un homme. Enfin, pour Hélène Bonnaud, la fluidité du genre révèle le malaise actuel car les identifications sont moins fortes, plus évasives et complexes et cela est plus difficile de s’y retrouver comme femme ou comme homme.