Retour vers la 8e Journée d'Étude

Rêves et fantasmes chez l'enfant

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“J’y arrivais pas…, c’est tout[1]”

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Le texte per­cu­tant de Catherine Benhamou, 5 secondes, n’a pas été sans m’évoquer une ren­contre inat­ten­due que je peux lire, aujourd’hui, comme l’appel d’une ado­les­cente dési­reuse de sor­tir de sa posi­tion d’enfant dépen­dant de la seule sub­jec­ti­vi­té de celle qui l’avait mise au monde[2]. Cette jeune ana­ly­sante avait deman­dé à celle qu’elle voyait peu, qui lui disait l’aimer sans pou­voir s’occuper d’elle, de venir ren­con­trer son ana­lyste. Cette femme avait dit oui et m’avait par­lé du moment où elle avait bru­ta­le­ment confié son enfant de trois mois à une voi­sine. « Je l’ai don­née à une per­sonne de confiance et je suis par­tie ». La déci­sion du pla­ce­ment de l’enfant avait para­doxa­le­ment don­né à son geste le sta­tut d’acte civi­li­sé, lui per­met­tant de deve­nir mère. Eloignée de sa fille, elle avait pu s’en sou­cier au fil des années, à sa manière. L’adolescente por­tait la marque de la façon dont son exis­tence avait été accueillie : elle crai­gnait de deve­nir trop encom­brante dans l’institution dans laquelle elle vivait et à laquelle elle se sen­tait pro­fon­dé­ment appar­te­nir. Un jour allait venir où elle devrait par­tir. Partir n’est pas se séparer.

La posi­tion de Lacan, telle qu’il l’expose d’une façon convain­cante à Jenny Aubry[3], psy­cha­na­lyste concer­née par le pla­ce­ment d’enfants, fait inter­pré­ta­tion. Elle vient trouer les dis­cours et trou­bler les ten­dances à pen­ser en termes de diag­nos­tics les consé­quences sur l’enfant, de ce que l’on nomme au Québec l’incapacité paren­tale per­ma­nente et en Italie, les parents intrai­tables. Lacan dégage dans ce court texte une logique qui per­met de don­ner place au plus intime, indé­pen­dam­ment des confi­gu­ra­tions socio­lo­giques de la famille, qu’elle soit mono­pa­ren­tale, homo­pa­ren­tale ou autre. Quand on sou­tient le dis­cours ana­ly­tique, on choi­sit de prendre les choses par le biais de la logique du cas tel que le phé­no­mène nous l’impose. On veille à ne pas inter­po­ser entre lui et les répon­dants de l’enfant le sens com­mun domi­nant, voire la construc­tion théo­rique qui semble ordon­ner la lec­ture de situa­tions qui paraissent iden­tiques et ne le sont jamais. Vouloir s’orienter à par­tir d’une approche glo­bale des dif­fé­rentes dimen­sions du déve­lop­pe­ment de l’enfant, éta­blir une cor­res­pon­dance directe entre symp­tôme et dif­fi­cul­tés à par­tir de cri­tères objec­ti­vables qui dési­gne­raient leur cau­sa­li­té dans la famille ou son absence, n’aide pas à se faire res­pon­sable de la posi­tion éthique qui incombe à qui s’oriente de la psychanalyse.

Lacan se contente d’opposer le désir ano­nyme que ren­contre l’enfant délais­sé, celui dont on s’occupe à celui par­ti­cu­la­ri­sé qui vec­to­rise dans une famille les fonc­tions de père et mère. Le sujet moderne n’est pas tant confron­té à une perte de repère, à une désor­ga­ni­sa­tion en matière de famille, qu’à l’accroissement de ses formes, à leur mul­ti­pli­ca­tion, ce qui n’est pas sans faire appa­raitre le carac­tère de fic­tion des sem­blants qui l’organise. Le sen­ti­ment de l’enfance n’habille plus l’approche des situa­tions si dif­fi­ciles et déli­cates des enfants dits à pro­té­ger. Eux-mêmes sont vécus comme symp­tômes dans l’institution fami­liale ou dans les ins­ti­tu­tions et ils ne cessent pas de se mul­ti­plier. Leur soli­tude n’a jamais été aus­si grande et ce d’autant plus que les indi­ca­teurs dits « poli­tiques » fonc­tionnent comme injonc­tions sur­moïques pour les adultes qui les accompagnent.

 

[1] Benhamou C., 5 secondes, Editions des femmes, Paris, 2024, p.24.

[2] Lacan J., « Note sur l’enfant », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001.

[3] Aubry J., Enfance aban­don­née, la carence de soins mater­nels, Editions du Scarabée, 1983.

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