« Tu sais pourquoi les mamans chats oublient leurs enfants quand ils grandissent ? Parce qu’elles ne leur ont pas donné de prénom à la naissance… », dit une petite fille du haut de ses 7 ans, qui consulte à un moment où elle craint que ses parents n’oublient de venir la chercher à l’école. Cette phrase pourrait être entendue comme une manifestation d’angoisse, comme si la croyance au symbolique ne suffisait plus et qu’il fallait en demander confirmation. Suffirait-il d’avoir un prénom pour ne pas être oublié ? Rien de moins sûr.
Qu’est-ce qui fait lien entre une mère et ses petits ? Un déterminisme biologique ? Le symbolique ?
Marie-Hélène Brousse, en reprenant Lacan, pense le lien social comme discours[1], c’est-à-dire comme mode de jouir. En tant que discours, il est donc affranchi du déterminisme biologique. Mais, comme nous le dit Valeria Sommer-Dupont :« si le lien parental n’est ni naturel ni divin, il n’est pas non plus un pur produit discursif déconnecté d’un corps sexué. Une opacité résiste, irréductible[2]». Les discours sont colorés par la jouissance toujours imbriquée à la pulsion qui anime les corps sexués.
Quels effets de ladite opacité sur les liens familiaux ? Camilo Ramirez nous propose dans ce Zappeur de penser que les symptômes des êtres parlants d’un « collectif familial » pourraient en être une réponse. Une façon de bricoler avec un réel qui devient trop oppressant. Il nous invite à être attentifs aux effets des corps sexués dans les liens à l’heure d’écouter ce qui amène les parents et les enfants à consulter quand l’exaspération devient trop rugueuse[3].
Jean-Robert Rabanel nous offre une vignette clinique intitulée : « Une banale histoire de famille », où la banalité serait le malentendu, la plainte, l’exaspération. Tout le monde y a le droit. Ce texte nous amène à un décompactage de la jouissance familiale, il n’y en a pas qu’une, à chaque-un la sienne. Et si on prend comme boussole la question de l’opacité, de la béance, l’insconscient qui se manifeste, J.-R. Rabanel la saisit quand l’enfant se « trompe » sur sa place dans sa famille. Une possibilité d’ouverture pour une réorganisation moins coûteuse pour l’enfant.
Parce que parfois dans les familles, une chatte n’y retrouverait pas ses petits[4].
Bonne lecture !
[1] Brousse Marie-Hélène, Des idéaux aux objets : le noeud de la guerre, dans La psychanalyse à l’épreuve de la guerre, ed. Berg International, Paris, 2015, p 143–161.
[2] Valeria Sommer-Dupont ; Argument #1 pour les JIE7.
[3] Ibidem.
[4] Cf. Lacan J.; L’étourdit dans les Autres écrits, Éditions du Seuil, Paris, p. 457.