8e Journée d'Étude

Rêves et fantasmes chez l’enfant

samedi 22 mars 2025

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Édito n°2 : Les cahiers au feu et la maîtresse au milieu

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Pas de vacances pour la pul­sion qui n’attend pas la période esti­vale pour mettre les cahiers au feu et la maî­tresse au milieu. Car la pul­sion ne s’accorde pas au calen­drier sco­laire. Elle fait sa ren­trée tou­jours trop tôt, ou trop tard, sa tem­po­ra­li­té échappe aux inten­tions du rec­to­rat. Elle ne connaît pas les zones A, B, C, ce décou­page ter­ri­to­rial qui vise à régu­ler les masses et gérer les flux humains, mais les zones éro­gènes avec leur topo­lo­gie sin­gu­lière. J. Lacan ponc­tue que « toute pul­sion est vir­tuel­le­ment pul­sion de mort »[1]Lacan J., « Position de l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 848. et J.-A. Miller met en évi­dence la pul­sion de mort comme « pul­sion du sur­moi »[2]Miller J.-A., « Biologie Lacanienne et évé­ne­ment de corps ». La Cause freu­dienne, n° 44, Paris, Seuil, février 2000, p. 30–31..

La pul­sion de mort ne pose pas de congés et, de nos jours, elle est ren­for­cée par la ren­contre avec l’injonction contem­po­raine du pousse-au-jouir. L’enfant en vacances « n’est pas là pour rigo­ler. Le type […] qui ne va pas tra­vailler aux loi­sirs, il est indigne […] De nos jours, le refus du tra­vail, ça relève d’un défi, ça se pose et ne peut se poser que comme défi »[3]Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p. 111.. Dans les valises, une place est réser­vée aux Passeports vacances. Vendus comme des petits pains pour le « pas­sage en petite sec­tion (sic !), pen­dant le pri­maire et jus­qu’au bac, ces cahiers pro­posent de tes­ter avec l’enfant son niveau et insis­ter sur ses éven­tuelles fai­blesses. Le tout sans contrainte, l’ob­jec­tif est de res­ter ludique »[4]Cf. le des­crip­tif sur le site de la FNAC.. Rattraper ou anti­ci­per, il s’agira pour cer­tains de se mettre à la hau­teur du « HP » (haut poten­tiel) qu’un Autre du social lui aura acco­lé au cours de l’année.

Des colos scien­ti­fiques, des séjours lin­guis­tiques, des stages et ate­liers de remise à niveau, tout un mar­ché prêt à être consom­mé s’offre à l’enfant pour qu’il vaque. Vaque !

La pause d’été est aus­si, pour les plus jeunes, un rendez-vous obli­gé avec cet autre grand clas­sique des impé­ra­tifs esti­vaux qui empêche de prendre son « otium cum digni­tate »[5]Lacan J., ibid. : être propre avant la ren­trée ! Moment civi­li­sa­teur qui n’est pas sans une cer­taine vio­lence pour l’enfant et les parents et dont les réper­cus­sions rem­plissent nos cabi­nets d’analystes.

Enfin, en vacances, on s’éclate ! La vio­lence pul­sion­nelle prend ici une autre forme. « Je suis en vacances, il fal­lait que j’en pro­fite » sera la seule réponse don­née par une jeune fille au réveil d’un coma éthy­lique. Le film Spring brea­ker[6]Film amé­ri­cain écrit et réa­li­sé par H. Korine, 2012. montre ces vacances de l’excès quand l’enjoy ! est aux manettes.

Le corps par­lant échappe à tout pro­gramme sco­laire et à tout plan­ning de vacances, il ne se laisse pas empri­son­ner, avec ses dési­rs et ses satis­fac­tions, dans les cahiers d’école, dans les car­nets de vacances, dans les revues de mots croi­sés rem­plis sur la plage ou dans le pro­duit que l’on consomme.

Dans les meilleurs des cas, les cahiers visi­te­ront le pays, dor­mi­ront dans un coin de la valise. À la colo, on fera une ren­contre inat­ten­due et, qui sait, inex­pli­ca­ble­ment, un cer­tain manque s’installera à la place du vide.

Bonnes vacances.

Notes

Notes
1 Lacan J., « Position de l’inconscient », Écrits, Paris, Seuil, 1966, p. 848.
2 Miller J.-A., « Biologie Lacanienne et évé­ne­ment de corps ». La Cause freu­dienne, n° 44, Paris, Seuil, février 2000, p. 30–31.
3 Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Paris, Seuil, 2006, p. 111.
4 Cf. le des­crip­tif sur le site de la FNAC.
5 Lacan J., ibid.
6 Film amé­ri­cain écrit et réa­li­sé par H. Korine, 2012.