Le Zappeur mène l’enquête auprès des professionnels qui accompagnent les très jeunes enfants dans les lieux d’accueil. Nous les avons rencontrés avec quelques questions : où en sommes-nous aujourd’hui ? Les mouvements agressifs entre petits sont-ils accueillis différemment de nos jours ? L’enfant bagarreur est-il plus stigmatisé, le terme violence est-il utilisé par les parents et les professionnels pour qualifier les débordements de l’enfant ? Voici les éléments que nous avons recueillis !
L’agressivité : comment l’accueillir ?
Considérée parfois comme un passage nécessaire dans la vie de l’enfant, l’agressivité est plus difficilement supportée lorsqu’elle se répète et que les intervenants ont le sentiment de ne pas avoir de prise sur ce qui traverse l’enfant.
Ce ne sont plus comme par le passé des jugements qui traduisent ce qui arrive à l’enfant, qui pouvait aussi s’entendre dire « tu es méchant ! » Aujourd’hui, on lui oppose plutôt le rappel de ce qui est autorisé et de ce qui ne l’est pas : « tu ne dois pas faire cela », « cela n’est pas possible ». Mais ce rappel ne produit bien souvent pas l’effet attendu, car l’enfant cherche une réponse particulière qui lui soit adressée ! Cela fait l’objet d’un questionnement dans l’équipe afin de sortir des réponses systématiques et anonymes.
Quand cela se répète, l’acte gratuit, sans cause ?
Face à la répétition de certains actes, les intervenants sont déroutés, ce qui induit le risque que l’enfant soit épinglé sous un signifiant et que dès lors les intervenants soient captifs du souci de le surveiller. C’est le cas, par exemple, lorsque le même enfant se fait mordre ; il peut arriver que les parents parlent alors de violence. Les intervenants ont appris qu’il vaut mieux écouter ce que les parents ont à dire avant de se justifier.
Lorsque l’enfant grandit et qu’il se déplace dans le langage avec aisance, l’agressivité est plus difficilement accueillie. L’incompréhension est alors de mise chez les professionnels, qui considèrent que l’acte est gratuit, sans cause. Il arrive que l’on prête à l’enfant une intention d’adulte. Ce qui fait défaut est le souci d’en savoir un peu plus sur le temps d’avant.
Inventions et solutions
Lorsque la présence du groupe est insupportable, prendre du temps avec l’enfant seul ou lui proposer un jeu de ballon avec un autre enfant permet de consentir à une petite perte, le ballon circule, part puis revient, et apaise l’inquiétude.
L’agressivité est souvent une conséquence de l’effacement de la singularité de l’enfant. Les intervenants peuvent trouver une façon de s’adresser à chaque enfant afin qu’il trouve sa place, son lieu, et ne soit pas pris dans la série des tous pareils.
Dans une crèche, lorsque l’agressivité se répète, il est proposé à l’intervenante de se mettre en retrait et d’écrire ce qu’elle observe, cela permet de repérer des détails, d’entendre ce que l’enfant dit, de suivre la logique de ce qui surgit, c’est un outil précieux pour les intervenants de la crèche.
Avec les parents, alléger un trop de conseils !
Émissions de télévision, magazines, conférences, aides à la parentalité ne cessent pas de prodiguer des conseils aux parents. Paradoxalement, les parents sont plus démunis aujourd’hui, surtout lorsqu’ils ne peuvent pas s’appuyer sur une transmission entre générations. Les rencontres entre parents et intervenants favorisent les interrogations et soulignent le savoir qu’ont les parents pour avancer de la bonne façon avec leur enfant. Les parents peuvent accepter le tâtonnement des intervenants et ainsi s’éloigner de la demande de conseils qui les laissaient dans l’impasse de l’impuissance.
Maryse Roy