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Make America great again

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La véri­té, selon l’adage, sort de la bouche des enfants. L’enfant violent aurait d’abord été un petit homme pur, réduc­tion d’un être mûr en deve­nir. Les pedia chez les Grecs comme les éphèbes chez les Romains sont là pour en témoi­gner : une phi­lo­pe­dia ? Rousseau disait que l’homme est natu­rel­le­ment bon, mais la socié­té l’éloigne de la bon­té ori­gi­nelle, le déprave et le per­ver­tit. Cette concep­tion de l’enfant sau­vage a soi-disant évolué.Pour exemple, le bébé est né : His majes­ty the baby ! L’enfant roi a droit au cha­pitre et tout lui est per­mis. Vous connais­sez la suite : tyran­nie des ber­ceaux, enfer des parents, sacer­doce des ensei­gnants, cabi­net des ana­lystes… Viendra ensuite l’adolescent avec son lot de troubles et d’humeurs par­fois rava­geants. L’enfant comme l’adolescent sont des termes modernes ; ils naissent quand cesse l’industrialisation de masse. L’enfant à la mine, l’adolescent au char­bon. La rage de Gavroche sur les bar­ri­cades et celle des minots dépeinte par Zola sou­lignent cette pré­ten­due évo­lu­tion. Mais reste l’Amérique avec son rêve éblouis­sant et sa ver­tu légendaire.

Toujours l’artiste pré­cède la psy­cha­na­lyse, disaient Freud et Lacan. Prenons deux cas issus de la fic­tion : Kevin et Merry ; deux enfants dont le par­cours est mar­qué par la haine, la vio­lence et l’horreur. Le gar­çon, après un bras de fer autis­tique, com­met­tra un crime de masse. Merry, après une édu­ca­tion dou­ce­reuse, devien­dra ter­ro­riste. Personnages tirés, pour Kevin, du roman de Lionel Shriver[1]Lionel Shriver, Il faut qu’on parle de Kevin. J’ai lu – Belfond, 2006, p. 380., et pour Merry, du livre de Philip Roth[2]Philip Roth, Pastorale amé­ri­caine. Gallimard – Folio, 1999, p. 104.. Après le car­nage, la mère de Kevin dira : « Je veux qu’il se sente dans la peau d’un vul­gaire môme idiot, lamen­table et sans mys­tère. Je veux qu’il se sente bête, gei­gnard, insi­gni­fiant. ». Pour les atten­tats com­mis par Merry, un mot du nar­ra­teur à pro­pos du père de l’héroïne : « C’était juste un papa gâteau et un père idéal. Le roi-philosophe de la vie ordi­naire. Il l’avait éle­vée dans toutes les idées modernes – il faut être ration­nel avec ses enfants. Tout peut être per­mis, tout est par­don­nable. ». Tout est dit, la messe est dite !

Il est ques­tion de la défaite de l’American Dream, de la rela­tion parents/enfant – vou­lue angé­lique – comme méta­phore des USA. Il s’agit en fait de la faillite des pères – leur laxisme les perd –, et du déses­poir des mères. Pourtant, ils ne man­quaient pas, les diag­nos­tics pré­coces pro­non­cés par des méde­cins, des psy­chiatres, des ortho­pho­nistes ! Mais les injonc­tions para­doxales fusaient et la jouis­sance obéis­sant à la pul­sion de mort pre­nait le pas : l’objet regard chez Kevin, l’embrouille des dis­cours chez Merry. Cette der­nière oscil­lait de la cer­ti­tude (enga­ge­ment poli­tique) à l’errance (secte Jaïn). Pour Kevin, l’ironie déployait sa féro­ci­té légen­daire jusqu’au pire. Pourtant les parents mouillaient leur che­mise pour une édu­ca­tion impec­cable. Cause per­due et consé­quence cer­taine : la mort est au bout du tun­nel. Reste la psy­cha­na­lyse comme phar­ma­kon

Normand Chabot

Notes

Notes
1 Lionel Shriver, Il faut qu’on parle de Kevin. J’ai lu – Belfond, 2006, p. 380.
2 Philip Roth, Pastorale amé­ri­caine. Gallimard – Folio, 1999, p. 104.

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