Un signal de sécurité
Publié paru le 22 septembre 2018
Un signal de sécurité
Par Ligia Gorini
« Chacun prend son statut des injures qu’il reçoit. »
Jacques Lacan, « Lacan in Italia 1953–1978 »
Léo a 13 ans lorsque je le reçois en consultation à l’hôpital de jour. La violence de ses passages à l’acte l’a récemment conduit au conseil de discipline de son collège : il risque d’en être exclu et orienté vers une classe spéciale.
Ses difficultés remontent à son entrée au collège, il y a deux ans. Un comportement agressif est alors signalé : il devient perturbateur, provocateur, bagarreur. L’année qui s’ensuit est marquée par une aggravation de ses troubles. L’adresse à un psychiatre vient ainsi s’inscrire comme ultime tentative pour « rétablir le lien avec le milieu scolaire ordinaire ».
« C’est à cause du bonhomme »
Par cette affirmation singulière, Léo tente de m’expliquer les raisons de son malheur actuel : il voit, depuis son entrée au collège, un petit bonhomme aux oreilles pointues, qui lui dit de faire des choses – « Casse tout ! », ou bien « Fais le bazar ! » –, des mots d’ordre qu’il entend dans des situations où, selon lui, le stress monte. Un lâchage du corps accompagne cette activité hallucinatoire : « Je tombe et après j’oublie tout. »
Ce qu’il appelle son stress surgit dans des situations où il se trouve confronté à la demande de ses enseignants ou à la moquerie de ses camarades – les mots lui faisant insulte. Ces mots sont, par homophonie, très proches de son nom propre. Il s’agite, frappe, casse, pour ensuite s’effacer dans une sorte d’oubli profond.
Le trouble des conduites (TC) est un des motifs de consultation les plus courants chez l’enfant et l’adolescent. Ce diagnostic s’inscrit dans un registre plus large des classifications internationales, dit des troubles externalisés, avec le trouble hyperkinétique et le trouble oppositionnel avec provocation. Léo présente un TC. Mais ce diagnostic ne dit rien de ce dont il s’agit pour ce jeune au niveau de son expérience.
Nous avons là un garçon occupé, siège d’un automatisme mental. Derrière le « on se met en colère, on tape sur le voisin », derrière son passage à l’acte, se situe une hallucination visuelle corrélée à la phrase : « Casse tout, fais le bazar ! » Léo répond ainsi à une injonction. Le stress surgit lorsque l’Autre se manifeste, quand l’ambiance prend l’allure d’un Autre consistant. Son mode de réponse est l’apparition de la figure qui l’invite à faire disparaître l’Autre.
Nous avons donc un schéma : l’Autre faisant pression pour lui, il y a apparition du phénomène, passage à l’acte, puis évanouissement. Même si l’Autre se fait présent pour Léo, s’il est question pour lui d’un Autre qui prend consistance, menaçant son être de sujet, l’en-trop de jouissance auquel il a affaire fait retour, non pas sur la figure de l’Autre, mais en se condensant au niveau de son corps. Il s’extrait alors de la scène, s’évanouit, disparaissant à son tour.
Rougeur
Léo était très attaché à un de ses aïeux, ancien agent de sécurité, mort il y a deux ans et dont il peut dire qu’il est celui qui a le plus compté pour lui. Sa disparition coïncide avec le début de ses troubles.
Lors d’une séance, Léo rapporte un fait nouveau : à l’issue d’un match de foot, ses camarades le traitent de « blaireau » en lui attribuant la responsabilité de leur défaite. Il sent la tension monter, sa tête commence à tourner. Cette fois-ci, au lieu de « péter un câble » ou de s’évanouir, il a affaire à un dérangement précis : une rougeur au visage. Ce petit phénomène vient localiser la jouissance qui l’envahit et lui permet d’éviter le passage à l’acte. « C’est un signal, un signal de sécurité », lui dis-je en essayant d’élever ce phénomène à la dignité d’un nouage, venant se substituer à l’identification imaginaire à l’agent de sécurité.
Cette sécurité nouvelle, déclinée dans différents registres, va baliser l’existence de ce garçon, dans ses souvenirs et ses jeux, et produire un net allègement de la tension autour de lui.
Ligia Gorini
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