Quand l’enfant est empêché, distrait, énervé ou mu par une trop grande exigence de réussite, au point d’inquiéter parents ou enseignants, pouvons-nous poser la question de ce qui préoccupe cet enfant-là, à ce moment-là ?
L’analyste recueille les manifestations d’un enfant-sujet, comme étant adressées à un Autre. Il se fait partenaire pour permettre à l’enfant d’aborder ses manifestations – mais aussi ses questionnements, ses éprouvés, ses savoirs.
L’enfant-sujet est confronté à un réel (celui de sa prématuration, des pulsions non unifiées, de la réalité sexuelle qui le déborde). Il ne parle pas, c’est la période dite de l’infans, mais son entourage lui suppose une parole et une volonté.
L’enfant est d’abord parlé : « Le bain de langage le détermine avant même qu’il soit né ceci par l’intermédiaire du désir où ses parents l’accueillent comme un objet privilégié. » Chaque enfant témoigne de ce que ce désir parental à son égard est supposé ne pas être anonyme.
La psychanalyse s’intéresse en premier lieu à la parole de l’enfant, en tant qu’elle lui sert à s’extraire du bain de langage qui l’assigne, voire le fige, à une place dans le discours. Une attention est ainsi portée à la façon dont l’enfant est parlé et à la manière dont il s’en débrouille, ce qu’il en fait pour se faire un corps à lui et une place qui lui convienne dans le monde.
Le discours courant a longtemps stigmatisé dans la langue française, quelque chose d’un lien d’origine pour nommer les enfants agités, impulsifs ou violents : c’étaient les « mauvaises graines », « vauriens » ou « sauvageons » qui n’en faisaient qu’à leur tête.
Changement d’époque, changement de discours. Aujourd’hui, l’effacement de la subjectivité pousse à la promotion d’une auto-détermination entendue dans les dires des enfants eux-mêmes.
Quand un enfant rencontre des difficultés, il est aujourd’hui communément admis qu’il dysfonctionne : il a un « problème de concentration », « gère mal ses émotions », a des « comportements inadaptés »… Si l’enfant obtient de bonnes notes à l’école, on relève alors la bonne cognition de son cerveau supposé apte à exécuter des tâches prévues à l’avance. Ce qu’il manifeste par ses oublis, ses ratages à répétition, ses colères, ou ses réussites est interprété, lu à partir de l’efficience de connexions neuronales qui marchent ou ne marchent pas. Sont collectés désormais pour chaque enfant les fonctionnements en déficit ou en excès, des compétences cognitives attendues lors dudit développement psychomoteur et socioaffectif. Ce nouveau paradigme donne lieu à une évaluation constante des compétences infantiles, de son degré d’autonomie, de sa capacité d’adaptation. S’en déduisent des troubles neurodéveloppementaux (TND) dans les sphères cognitive, attentionnels, d’attachement, identifiés hors de toute fonction d’appel. D’après les dernières études , les TND pourraient concerner un enfant sur dix. Le pas de plus revient à considérer qu’une validation scientifique s’impose, et celle-ci introduit un contrat rééducatif dont l’enfant aurait à répondre.
Le repérage d’un défaut dans le développement de l’enfant se substitue dorénavant à la dimension de l’adresse à un Autre des manifestations symptomatiques de l’enfant.
Interrogeons-nous autrement : comment un enfant peut-il trouver ses voies d’accès aux savoirs, aux autres ? Éduquer suppose une relation de confiance dans les savoirs de l’enfant et dans la recherche de ses solutions pour une autonomie qui l’inscrit de façon singulière auprès des autres. Il existe une prééminence du discours éducatif et le pari pour la psychanalyse porte sur l’invention subjective. L’analyste accueille ses nouvelles présentations et fait place à l’énonciation singulière de l’enfant. La psychanalyse depuis Freud donne chance au symptôme de s’inscrire comme lien social.
L’atelier réunit des professionnels de disciplines différentes, travaillant auprès d’enfants. En prenant appui sur les dires des enfants et de leurs parents, l’atelier cherche à remettre des écarts entre éducation et rééducation, diagnostic et accompagnement psychologique. Nous étudierons les conséquences d’une distinction entre dire et discours, seule façon de répondre de ses actes.