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Console moi !

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Il y a urgence à sai­sir pour chaque enfant ou ado­les­cent dit violent, la chose vio­lente[1]Leduc C., « Argument », Vè Journée d’étude de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant « Enfants vio­lents », https://​ins​ti​tut​-enfant​.fr/​2​0​1​8​/​0​6​/​0​6​/​a​r​g​u​m​e​nt/. en lui. Cette chose vio­lente est par­fois un symp­tôme, méta­phore d’un désordre qui trouve ses racines dans l’inconscient. Elle est bien sou­vent, notam­ment pour les jeunes sujets psy­cho­tiques, hors sens. Notre atten­tion se por­te­ra davan­tage sur les condi­tions de l’explosion que sur la causalité.

Un corps agité

N. a 12 ans et sus­cite des mou­ve­ments contra­dic­toires chez les soi­gnants : « Il est trop jeune », « Il ne peut res­ter cinq minutes tout seul », « Il est par­fois très agréable et par­fois insul­tant ». Un pari est fait que nous pour­rions tenir mais les mois qui suivent sont éprou­vants pour l’équipe… et pour le jeune N. car le groupe est dif­fi­cile à vivre pour lui. Il peut être tout à fait en lien dans les rela­tions duelles. Il aime conver­ser et il est très fin mais les désac­cords et la frus­tra­tion déclenchent colère et vio­lence. Au sein du groupe, il est tour à tour moqué et agres­seur. Il met des images por­no­gra­phiques sur le télé­phone d’un autre jeune, mime des sodo­mies sur d’autres. Ce débor­de­ment pul­sion­nel témoigne d’un en-trop : le sexuel est au pre­mier plan sans refou­le­ment. Il se mas­turbe contre les murs de l’institution ou en entre­tien avec les adultes. Petit à petit, il par­vient à décrire quelque chose qui l’envahit dans son corps et dont il ne sait que faire. Cette exci­ta­tion le déborde et lui, déborde très sou­vent par de la vio­lence ver­bale et phy­sique. La chose vio­lente et la chose sexuelle l’occupent en per­ma­nence. Peu de pare-excitation à l’horizon : le sexuel fait violence.

Les objets

N. parle prin­ci­pa­le­ment de ses objets, les apporte par­fois. Son objet de pré­di­lec­tion est sa DS.[2]DS pour dual screen, double écran. Le signi­fiant qu’il uti­lise éga­le­ment, « sa console », résonne du côté d’un objet, certes de satis­fac­tion mais aus­si de lutte anti­dé­pres­sive. Parler de cet objet lui per­met d’évoquer une crainte d’un effon­dre­ment majeur : la console le main­tient à flot. Elle est sa com­pagne prin­ci­pale, objet de toutes ses atten­tions, objet de tran­sac­tion avec cha­cun des parents, et très sou­vent source de conflit.

En séance, il est per­mis de l’apporter. Il a besoin de la mon­trer pour la nom­mer et en faire un objet de tra­vail. Elle apaise la pul­sion. En par­ler lui per­met de s’en pas­ser un peu et per­met un début de dia­lec­ti­sa­tion. N. est « addict » aux écrans depuis sa petite enfance. L’écran est à entendre dans de mul­tiples accep­tions car il le coupe de la rela­tion aux autres mais il le pro­tège aus­si. Actuellement, la DS est un remède pour parer à une angoisse du vide. Il est enva­hi par des pen­sées et des phé­no­mènes cor­po­rels qui l’assaillent quand il n’a rien à faire. L’on peut faire l’hypothèse que la DS comble ce vide, per­met à la pen­sée et au corps de se ras­sem­bler, de se consol-idée. Parions sur les inven­tions des équipes et la parole de N. afin que cet ado­les­cent puisse se sou­te­nir un peu plus dans la vie, sans être aspi­ré par le vide et que sa vio­lence, celle des jours où il donne une cause, et celle des jours où c’est le chaos, puisse se pacifier.

Emmanuelle Chaminand Edelstein

Notes

Notes
1 Leduc C., « Argument », Vè Journée d’étude de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant « Enfants vio­lents », https://​ins​ti​tut​-enfant​.fr/​2​0​1​8​/​0​6​/​0​6​/​a​r​g​u​m​e​nt/.
2 DS pour dual screen, double écran.