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Tortemo toi-même

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L’album Mô-Namour de Claude Ponti raconte l’histoire d’un grand gar­çon qui s’en prend à Isée, une petite fille orphe­line et sans défense [1]. Surnommé Torlemo Damourédemorht parce qu’il tord le sens des mots, il appelle Isée Mô-namour [2]. Il affirme qu’il l’aime, mais l’enferme tous les jours dans un bal­lon de foot dégon­flé et joue à lui don­ner des coups de pied à lon­gueur des jour­nées. La petite fille a de plus en plus de bleus sur le corps dont elle ne com­prend pas le sens, ni en bien ni en mal. Un jour, elle ren­contre une étoile qui l’invite à regar­der son corps cou­vert de bles­sures et lui dit que ce n’est pas nor­mal. Isée, enfin, com­pre­nant que le gar­çon lui fait du mal, lui dit : « Je ne veux plus jouer avec toi ni que tu joues avec moi. Jamais. Je ne suis pas une balle, je m’appelle Isée ». Une for­mule conju­ra­toire la débar­ras­se­ra du vilain : « Je te tue dans ma vie, dans mes sou­ve­nirs, je te hais. Meurs, men­teur ! Tortemo toi-même ». Isée pour­ra par­tir avec son dou­dou Tadoramour et son étoile.

Cette petite fille se laisse mal­trai­ter parce qu’elle croit en l’amour, tout comme le petit gar­çon, évo­qué par Lacan dans son Séminaire, « qui, quand il rece­vait une gifle, deman­dait – C’est une caresse ou une claque ? Si on lui disait que c’était une claque, il pleu­rait, ça fai­sait par­tie des conven­tions, […], et si c’était une caresse, il était enchan­té » [3]. Que nous importe de com­prendre s’il faut rire ou pleu­rer ? Une gifle est une gifle. Un bleu est un bleu. Le gar­çon de Lacan et Isée sont tous les deux cap­tifs dans leur rela­tion à l’autre, d’un com­por­te­ment que la psy­cho­lo­gie sait objec­ti­ver, mais ne sait pas dire com­ment s’y sous­traire. Il faut que le lan­gage s’en mêle, il faut que l’amour, le vrai, pas la jouis­sance, conver­tisse en savoir ce qui fait l’enjeu d’une rela­tion, pour que ne se confonde pas un signi­fiant avec un autre signi­fiant : caresse et claque, amour et mort, tord-les-mots‑d’amour-et-de-mort et t’adore-amour.

Isée, dans sa ren­contre avec le nom trau­ma­tique du gar­çon, ne se sait pas mal­trai­tée… Jusqu’au jour où son étoile lui révèle l’usage signi­fiant à faire de son propre nom.

[1] Extrait du texte d’Adela Bande-Alcantud : « Celui-qui-tordait-les-mots », publié sur le blog de la 44e Journée de l’École de la Cause freu­dienne, Être Mère, www​.etre​-mere​.fr/​c​e​l​u​i​-​q​u​i​-​t​o​r​d​a​i​t​-​l​e​s​-​m​o​t​s​-​p​a​r​-​a​d​e​l​a​-​b​a​n​d​e​-​a​l​c​a​n​t​ud/

[2] Ponti Cl., Mô-Namour, Paris, l’école des loi­sirs, 2011.

[3] Lacan J., Le Séminaire, livre III, Les psy­choses, Paris, Seuil, 1981, p. 14–15.

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