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Édito

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Œdipe sans au-delà

Par Daniel Roy

Il a quit­té sa famille, sa patrie, il marche sur le che­min. Ce vieil homme sur son char, à la croi­sée des che­mins, veut le faire dévier de sa marche, le menace. Il le tue. Le voi­là en vue de la ville de Thèbes, ce n’est pas son but, il va consul­ter l’oracle qui est à Delphes, « qui ne dit ni ne tait, qui signi­fie » (Heraclite frag­ment 93). Un autre obs­tacle sur­git sur sa route, une créa­ture bien étrange, une énigme à elle toute seule. Toute seule, façon de dire ! Elle est faite de mor­ceaux de corps emprun­tés à d’autres corps vivants, plus féroces et redou­tés les uns que les autres. Mais il faut bien avan­cer… Soudain, la chose parle : elle est donc femme ?

Cela se confirme : elle veut poser une énigme ! Pas de doute, Œdipe l’a recon­nue, tra­ves­tie sous ses ori­peaux de corps de bêtes : c’est La femme ! Va pour l’énigme, encore une créa­ture, quatre pattes, deux pattes, trois pattes. OK, j’assure, je m’y recon­nais, je m’y connais : que veut la femme ? Bien sûr, non seule­ment j’ai la réponse, mais je suis la réponse : l’homme. Comme la tête de cha­meau dans Le Diable amou­reux, de Cazotte, la Sphinge (car c’était elle) dis­pa­raît en se jetant du rocher. Tout à ce qu’il croit être sa réus­site, enivré par les vivats du peuple de Thèbes, Oedipe ne voit pas le sou­rire cruel de la Sphinge dis­pa­raître en der­nier. Il n’a pas lu Lewis Carroll. Dommage. Il aurait pu sai­sir alors le piège dans lequel il est tom­bé, qui va le mener direc­te­ment dans le lit d’une mère, car elle est aus­si sphinge : ce n’est pas toi petit homme qui peut résoudre les énigmes, c’est le maître dont l’oracle est à Delphes. Tu l’as oublié en oubliant le chemin.
Mais, à pro­pos, que répond-il, le maître dont l’oracle est à Delphes ? Oh, pas grand-chose : il t’indique le che­min que tes pas tracent.

C’est tout ? Oui, regarde Flaubert : sur son che­min, une femme (jeune), il la voit, il pour­suit son che­min. Désormais, il va lire cette ren­contre, la déchif­frer au plus intime de lui-même, et l’écrire dans l’extime de ses textes. « Mme Bovary, c’est moi ». Tout est là, pas d’au-delà.

Regarde Henri VIII d’Angleterre, idem : il désire sa maî­tresse et avoir d’elle un héri­tier mâle, pour cela répu­dier sa femme, le pape ne veut pas en entendre par­ler, puisque c’est comme ça, je fonde une reli­gion mai­son ! Et tant pis pour le Brexit. Il a vu, il a conclu, il n’a pas, il veut avoir, le voi­là féminisé.

Mais pas avec l’humour du jeune Hibari, qui se fait lui-même énigme pour l’autre, d’être à l’âge où l’on est une énigme pour soi-même. Il est le phal­lus, comme le dit Lacan des filles et des gar­çons, il ne court pas de catas­trophe pour lui-même, même s’il ne peut pas savoir encore que ses pas tracent son che­min, che­min d’une sexuation.

Allons, pas d’oracle ! Nous ne sommes pas à Delphes, pour­sui­vons notre che­min de JIE6…

 

*Image : Salvador Dali. L’énigme sans fin.

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