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Argument

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Comment le sexe vient-il aux enfants ?

Serait-ce un mys­tère de la nature ? Être fille ou être gar­çon ne semble pas aller de soi à l’époque du trouble dans le genre. Une ten­dance actuelle met en ques­tion la dif­fé­rence sexuelle comme idéo­lo­gie socia­le­ment dépas­sée. « Fille ou gar­çon » paraît l’alternative à laquelle il s’agit d’échapper car celle-ci ins­cri­rait le sujet dans une des­ti­née toute tra­cée, sans place pour la surprise.

Ainsi, le héros de man­ga joue sur la trans­for­ma­tion per­ma­nente, pas­sant d’un pôle à l’autre du spectre sexué pour incar­ner la nou­velle figure idéale à laquelle l’enfant s’accroche pour illus­trer ce flot­te­ment auquel son être est confron­té. Au diable le rose et le bleu, vive l’arc-en-ciel ! La flui­di­té des genres serait-elle une nou­velle norme ten­dant à s’imposer au nom d’une liber­té de cha­cun à choi­sir son propre sexe ?

Si la vul­gate d’un stan­dard œdi­pien – iden­ti­fi­ca­tion au parent du même sexe – ne tient plus la route face à l’impasse du sexuel, com­ment se repé­rer dans ce nou­veau dédale du hors-sexe ? La mode ves­ti­men­taire de l’unisexe et la dénon­cia­tion du sexe d’assignation suffisent-elles à don­ner plus de marge de manœuvre aux enfants dans le choix d’une posi­tion sexuée ?

Freud a mon­tré que l’expérience infan­tile était fon­dée sur deux axes : d’une part, les pul­sions par­tielles, d’autre part, la com­pa­rai­son ima­gi­naire des corps. La per­cep­tion des organes géni­taux de l’autre emporte des consé­quences déci­sives. La décou­verte de la cas­tra­tion mater­nelle est trau­ma­tique car si sa mère est châ­trée, le gar­çon se met à croire à la cas­tra­tion. De son côté, la fille se per­çoit comme pri­vée dans son corps et cela l’incite à mas­quer, nier ou com­pen­ser cette pri­va­tion. Pour Freud, la réfé­rence au corps est omni­pré­sente car le phal­lus est un signi­fiant loca­li­sé sur le corps sexué. Cette ren­contre consti­tue pour cha­cun, fille ou gar­çon, un moment de crise.

Le modèle freu­dien est tou­jours d’actualité puisqu’il s’agit pour l’enfant de prendre posi­tion : il doit inven­ter sa solu­tion avec les moyens dont il dis­pose. Que se passe-t-il lorsqu’il gran­dit dans une famille mono­pa­ren­tale ou que celle-ci s’avère fon­dée sur un lien homo­sexuel ? Aujourd’hui, le petit Hans de Freud trouverait-il une solu­tion dif­fé­rente que sa pho­bie des che­vaux pour trai­ter la jouis­sance de ses pre­mières érec­tions, dont il ne sait quoi faire ni pen­ser ? Les symp­tômes infan­tiles évoluent-ils en fonc­tion des dis­cours contemporains ?

 

Lacan a tenu compte des der­nières éla­bo­ra­tions freu­diennes concer­nant la sexua­li­té fémi­nine : la cas­tra­tion ne doit pas être com­prise comme la voie néces­saire chez une femme. La sexua­tion ne dépend pas du réel bio­lo­gique, les ambi­guï­tés géni­tales de nature orga­nique ne déter­minent pas l’assomption sub­jec­tive du sexe. En posant que tout sujet doit se débrouiller avec l’existence des logiques fémi­nine et mas­cu­line ain­si qu’avec le corps qu’il a, Lacan a libé­ré la psy­cha­na­lyse de la contrainte selon laquelle l’anatomie, c’est le des­tin.

La cli­nique ana­ly­tique révèle pour sa part que les iden­ti­fi­ca­tions infan­tiles ne coïn­cident pas néces­sai­re­ment avec les nomi­na­tions qui pro­viennent de l’Autre. Il arrive qu’un gar­çon se sente fémi­nin, plus proche de sa sœur que de son frère ou de son père. Et qu’une fille aspire à deve­nir gar­çon en reje­tant cer­tains signes asso­ciés au féminin.

Ces iden­ti­fi­ca­tions infan­tiles préjugent-elles du deve­nir sexué ? À quel moment et de quelle façon les enfants font-ils le choix d’une posi­tion sexuée et d’un mode de jouis­sance ? Les symp­tômes actuels qui conduisent les enfants en ana­lyse sont-ils liés au choix pro­blé­ma­tique de l’identité sexuée ?

 

Lacan sou­ligne que c’est l’adulte qui opère une dis­tinc­tion entre la petite bonne femme et le petit bon­homme en fonc­tion de cri­tères dépen­dants du lan­gage. Or ceux qui dis­tinguent ont eux-mêmes fait un choix de jouis­sance ; ils incarnent une posi­tion anté­rieure quant à la sexuation.

La nov­langue actuelle pré­co­nise l’usage du neutre aux fins d’éviter toute dis­cri­mi­na­tion entre fémi­nin et mas­cu­lin. Ce pro­jet qui consiste à désexua­li­ser la langue par l’effacement des genres gram­ma­ti­caux ou l’emploi du lan­gage dit épi­cène n’aide pas les enfants à s’affranchir des pré­ju­gés et idéaux qui pèsent sur eux. Dans l’institution fami­liale comme dans tous les autres lieux d’enfance, les adultes doivent s’en déprendre pour per­mettre aux enfants de s’affronter, à leur façon, à la ques­tion du choix sexué incons­cient. La pra­tique en ins­ti­tu­tions spé­cia­li­sées, que cela soit dans le domaine sani­taire ou social, se situe aux avant-postes de cette réflexion, l’enseignement que nous pou­vons en extraire est crucial.

 

La sexua­tion fémi­nine se spé­ci­fie de n’être pas toute sou­mise à la cas­tra­tion : une divi­sion s’y effec­tue entre la jouis­sance phal­lique et la jouis­sance de l’Autre, aus­si dési­gnée par Lacan comme jouis­sance sup­plé­men­taire. Celle-ci s’avère fon­dée sur la jouis­sance de la parole puisque le lien amou­reux se sou­tient d’un Autre qui parle.

Ainsi, le bavar­dage des enfants, aux­quels il est sou­vent deman­dé de se taire pour apprendre, prend-il sa source dans la posi­tion sexuée qui consiste à jouir de la parole. À l’inverse, que pouvons-nous dire des enfants silen­cieux : ne sont-ils pas aux prises avec une autre moda­li­té de jouis­sance qui court-circuite la parole, d’être cau­sée par un objet pul­sion­nel, tou­jours le même ? La dis­sy­mé­trie sexuée à l’égard de la jouis­sance se décèle par­fois pré­co­ce­ment, il convient d’y être atten­tif. La faille du sexuel est au fon­de­ment de notre clinique.

Cette jour­née sera une source inéga­lée d’enseignement épis­té­mique et cli­nique pour celles et ceux qui ana­lysent, éduquent et soignent les enfants en recueillant leur parole, à l’époque de la mise en ques­tion de l’œdipe et de la mise en valeur de la cas­tra­tion qu’opère la prise du lan­gage sur les corps.

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