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Le réveil par la sexuation*

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Par Christine Maugin

Les êtres humains sont encom­brés par la pré­sence de l’organe mâle et par la pré­gnance que l’on lui fait dans ce que serait un rap­port entre les sexes.

Il y a les hommes qui y croient trop, les femmes qui en manquent, qui l’envient. Il y a ceux que cet organe fait cha­vi­rer devant la beau­té sup­po­sée, au point de le déver­ser sur les sites por­no­gra­phiques ou d’envoyer leur superbe en mes­sage à des femmes qui n’en demandent pas le visuel.

Il y a aus­si ceux et celles qui en abusent, et dont les témoi­gnages défraient les chroniques.

Tout cela peut tenir à ce que le corps dans son abord ima­gi­naire apporte une jouis­sance aus­si fugace que débile – au sens laca­nien de celui qui croit un peu trop à un dis­cours et qui ne peut se mou­voir au tra­vers d’autres discours.

Heureusement avec l’enseignement de la psy­cha­na­lyse, nous pou­vons faire évo­luer cette ques­tion du rap­port entre les sexes. Peut-être déjà à com­men­cer par l’activité qui serait active ou pas­sive, telle que Freud l’a pré­sen­tée. Puis la « comé­die entre les sexes », celle de Lacan dans « la signi­fi­ca­tion du phal­lus [1]», comé­die néces­saire à jouer des sem­blants dans le dis­cours, pour un autre d’un autre sexe.

Ne plus res­ter fas­ci­né par l’image, par la jouis­sance jubi­la­toire de l’organe, la jouis­sance de l’idiot, la jouis­sance phal­lique, qui une fois obte­nue, tombe et fait tom­ber dans le som­meil, voire fait s’y main­te­nir. Le réveil ce ne sera pas par ce biais. « Au réveil je ne serai que de trop » chante Grand Corps Malade pour résu­mer que de l’avoir fait, cet acte de jouis­sance, ça ne donne pas accès à l’autre, et à ce qui le fait exis­ter. Il y dénonce cette croyance en faire l’acte d’amour comme accès à une jouis­sance qui suf­fi­rait à notre existence.

Le réveil quant à la ques­tion du rap­port entre les sexes, sup­pose d’apercevoir ce qui n’est pas à l’écran, et que l’on éteigne un peu les lumières du savoir pour se foca­li­ser sur ce qui n’apparaît pas d’emblée. Ce qui reste insu, voire non dit, ou plus exac­te­ment non ins­crip­tible dans la chaîne signi­fiante. Dépasser la bar­rière du phal­lique et de son ancrage dans l’inscriptible, pour plon­ger dans le silence.

Le silence non pas de se faire taire, mais plu­tôt de ne pas pou­voir dire, car impos­sible à dire. Il s’agit du mode de jouir au fémi­nin, pour citer le titre du livre Marie-Hélène Brousse [2]. Éprouver dans son corps un mode d’être Autre à soi-même, peut prendre dif­fé­rentes accep­tions dont M.-H. Brousse repère plu­sieurs « signi­fiants épars », « dis­pa­ri­tion, cacher, déso­béis­sance » etc., indi­quant les dif­fé­rentes vari­tés sub­jec­tives de cet éprou­vé Autre à soi-même dans un effa­ce­ment, « un effa­çons de l’Autre ».

Se réveiller c’est ne plus croire en l’amour qui per­met­trait de faire Un à par­tir de deux êtres. Se réveiller relève de la trou­vaille en un nou­vel amour qui sup­po­se­rait d’aimer non plus le rap­pro­che­ment des corps, et donc le rap­port pul­sion­nel à l’autre, objet de sa propre jouis­sance, mais la dis­tance que cha­cun peut mettre entre soi, avec l’Autre ou son symp­tôme [3]. Aimer la soli­tude comme lieu de notre exis­tence, en se fai­sant ain­si dupe du non-rapport sexuel, faille native à chacun.

C’est ce tra­jet que nous avons effec­tué en nous délo­geant de la dif­fé­rence entre les sexes qui, cre­vant l’écran, ne nous per­met­tait pas d’apercevoir les symp­tômes chez l’enfant qui rele­vaient de la pro­blé­ma­tique de la sexua­tion. Déplacer la ques­tion et l’extraire du sexuel pul­sion­nel ou ima­gi­naire, laisse appa­raitre que les enfants ont quelque chose à dire de la sexua­tion, au sens de l’éprouvé dans leur corps, et hors du dis­cours de genre. Que l’enfant se sente fille ou gar­çon dans un autre corps ne l’empêche pas de se col­ti­ner la ques­tion de ce qui la pro­voque, sans que cela ne soit néces­sai­re­ment une cer­ti­tude à laquelle adhé­rer pour inter­ve­nir sur son corps [4]. Peut être que cela tra­duit une autre ques­tion et que cela est un symp­tôme à ana­ly­ser afin de décou­vrir le malaise sous-jacent, le réel ren­con­tré [5].

* Ce texte a été pré­sen­té par l’auteur lors du Séminaire de l’Atelier de l’Institut de l’Enfant du 27 jan­vier 2021.

[1] Lacan J., « La signi­fi­ca­tion du phal­lus », Écrits, Seuil, 1966.

[2] Brousse M.-H., Mode de jouir au fémi­nin, Paris, Navarin, 2020.

[3] Cours de Fabian Fajnwaks, L’amour après la passe, cours de l’ECF en ligne pen­dant le confi­ne­ment, 2020.

[4] « Petite fille » de Sébastien Lifshitz, Arte vidéo, 2020.

[5] « Tomboy » de Céline Sciamma, 2011.

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