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Supplément Manga

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Le Supplément Manga s’intéresse à ce que les enfants nous enseignent, à par­tir du man­ga, sur la sexua­tion et sur les usages sous trans­fert de cet objet. Le Supplément se penche éga­le­ment sur ce qu’un man­ga­ka peut nous apprendre des embrouilles de la sexua­tion, là où, comme Lacan le sou­ligne, l’artiste pré­cède le psychanalyste.

Supplément Manga Vol.1

Adela Bande-Alcantud et Morgane Léger ren­contrent Pierre Pulliat.

Nous inau­gu­rons le Supplément Manga par une ren­contre, celle de Pierre Pulliat, libraire de for­ma­tion et pas­sion­né par toutes les formes de bandes des­si­nées dans le monde, for­ma­teur pour l’École de la Librairie[1] et Lecture Jeunesse[2] et rédac­teur maga­zine de la revue Bd Biblioteca qui a accep­té de nous intro­duire dans cet univers.

Comment expliquez-vous le suc­cès des Mangas par­mi les jeunes ?

Concernant les jeunes publics, le suc­cès du man­ga repose sur plu­sieurs fac­teurs savam­ment dosés par les man­ga­kas[3] : des uni­vers riches aux règles com­plexes dans les­quels les pro­ta­go­nistes achèvent des quêtes codifiées.

Les héros et héroïnes des man­gas ont bien sou­vent le même âge et occu­pa­tions quo­ti­diennes que leurs lec­to­rats, mais en plus vivent des aven­tures exal­tantes dans des mondes exo­tiques. Ces héros sont dotés de carac­tères très acces­sibles et sym­pa­thiques (humi­li­té, hon­neur, bonne humeur, géné­ro­si­té…) ; et les épreuves qu’ils tra­versent sont autant de rites ini­tia­tiques qui les poussent dans leurs limites.

Ces héros portent sou­vent un pou­voir latent consi­dé­rable, cette force enfouie sou­vent repré­sen­tée sous forme d’avatar mons­trueux (ani­maux, démons, créa­tures folk­lo­riques) offre une sin­gu­la­ri­té au héros qui devra choi­sir quelle voie il sou­haite emprun­ter : chaos et des­truc­tion ou force et abné­ga­tion. L’enjeu de ces his­toires se foca­lisent donc sur la capa­ci­té du héros à cata­ly­ser son démon inté­rieur afin d’utiliser sa force pour le bien com­mun. Couramment, ce pou­voir dont a héri­té le héros est une consé­quence d’une faute com­mise par ses parents ou une malé­dic­tion des géné­ra­tions pas­sées. L’espoir d’un futur meilleur repose sur les épaules du héros ado­les­cent. Cet aspect des récits arthu­rien séduit les jeunes lec­teurs en quête de valeurs.

Les man­gas plaisent car ils offrent grand panel d’émotions chez leurs lec­teurs qui y trouvent des doubles cathar­tiques de papier, voir des modèles ver­tueux à suivre.

De plus l’attrait pour la culture man­ga ne se limite pas à sa seule lec­ture, les ani­més, jeux vidéo, films et conven­tions, lient les ado­les­cents entre eux. Les man­gas sont visuel­le­ment dyna­miques et per­cu­tants grâce au soin appor­té par les man­ga­kas dans la repré­sen­ta­tion des corps et du mouvement.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Une repré­sen­ta­tion méto­ny­mique du corps.

Il est beau­coup ques­tion, dans les man­gas dont vous par­lez, de corps et de mou­ve­ment, de trans­for­ma­tion, pourriez-vous nous en dire un peu plus sur cet aspect-là ?

Les corps des per­son­nages de man­ga reflètent les uni­vers qui les entourent. Ils sont mus­clés et ath­lé­tiques dans les man­gas d’aventures, lon­gi­lignes et élé­gants dans les man­gas roman­tiques ou ridi­cules et gro­tesques dans les titres parodiques.

 Dans les man­gas d’aventure, genre qui reste favo­ri du grand public, les per­son­nages subissent des trans­for­ma­tions phy­siques excep­tion­nelles. Lorsqu’ils sont confron­tés au dan­ger, leur pou­voir latent se mani­feste et entame une muta­tion cor­po­relle mons­trueuse à la force hors du com­mun. Cette force aide le héros à sur­mon­ter une épreuve mais laisse sou­vent des sca­ri­fi­ca­tions irré­mé­diables. Le héros, au fil de sa quête, apprend à user de cette force en évi­tant son aspect auto­des­truc­teur. Cette force à double tran­chant appa­rait dans les moments les plus fati­diques qui cor­res­pondent à des nœuds dans l’intrigue, ces nœuds repré­sentent les étapes psy­cho­lo­giques à sur­mon­ter pour le déve­lop­pe­ment du per­son­nage. Ces mani­fes­tions ne se réa­lisent pas for­cé­ment avec la ren­contre ou face à l’autre sexe mais plu­tôt à ces côtés. Dès le moment où les per­son­nages prin­ci­paux choi­sissent de pro­té­ger l’être aimé, ils mettent à pro­fit leur forme mons­trueuse pour appor­ter pro­tec­tion et récon­fort. L’être aimé est témoin de la trans­for­ma­tion du héros et accepte sa dualité.

 

 

Vol en éclats ou zoom sur les bords pul­sion­nels ? Événement amou­reux, évé­ne­ment de corps.

On a vu que cer­taines images marquent comme une rup­ture, venant faire effrac­tion dans ce qui se pré­sente d’abord comme une image har­mo­nieuse, équi­li­brée, qui va voler en éclats lors d’un évè­ne­ment, telle qu’une ren­contre amou­reuse ou une atti­rance sexuelle. Pourriez-vous nous dire quelque chose sur ce point ? 

Les man­gas usent de nom­breux codes esthé­tiques et nar­ra­tifs qui dif­fé­rent de nos repré­sen­ta­tions en bande des­si­née. Certaines man­ga­kas, notam­ment dans les titres roman­tiques à des­ti­na­tion des publics fémi­nins, font voler en éclats la struc­ture en planche au pro­fit d’une approche plus intui­tive. Si un per­son­nage appa­rait subi­te­ment et que sa pré­sence trouble l’héroïne, le temps s’arrête ; à cet ins­tant, il est repré­sen­té en pleine page, abo­lis­sant les règles de pers­pec­tive dans la planche, ren­for­çant ain­si l’impact de son arrivée.

Parmi les codes gra­phiques les plus déca­lés, celui du sai­gne­ment de nez sou­ligne une exci­ta­tion subite vécu par un per­son­nage. Lorsqu’un pro­ta­go­niste est dans une situa­tion éro­ti­sante qui dépasse son propre contrôle, il va se mettre à sai­gner abon­dam­ment, voir se vider com­plè­te­ment avant de tom­ber à la ren­verse. On peut y voir une sorte de réac­tion incon­trô­lée qui pro­vo­que­rait ce sai­gne­ment, une manière hyper exa­gé­rée et comique de repré­sen­ter une exci­ta­tion sexuelle.

 

Nous avons vu aus­si qu’il y a une cer­taine poro­si­té et un usage méto­ny­mique de la repré­sen­ta­tion des per­son­nages, par exemple : le des­si­ner en cochon quand ses pen­sées sont “cochonnes”, cela est courant ? 

En effet, les per­son­nages sur­tout dans les situa­tions comiques voient leurs corps se trans­for­mer sui­vant leur for inté­rieur. Un séduc­teur agres­sif et balourd aura des traits simiesques, un per­son­nage hon­teux ver­ra ses traits réduits à des pro­por­tions « car­too­nesques » (appe­lés aus­si S.D. –Super déformé- ou chi­bi), la colère sera décu­plée avec l’apparition d’une veine saillante sur la tempe. Ces trans­for­ma­tions sont épi­so­diques et ne durent que le temps de l’émotion vécue.

Plus géné­ra­le­ment le corps dans les man­gas reflète l’âme du per­son­nage jusqu’à la moindre aspé­ri­té, il est le témoin pal­pable de son évo­lu­tion psy­cho­lo­gique. Ces codes gra­phiques viennent sou­li­gner de manière osten­sible l’essence de son être.

Pierre Pulliat nous enseigne com­ment les codes gra­phiques propres au man­ga per­mettent d’ap­pro­cher la dimen­sion du corps vivant en tant qu’il nous échappe. Il ouvre pour nous une nou­velle ques­tion sur la moda­li­té du lien social actuel carac­té­ri­sé par « l’é­va­po­ra­tion du Père »[4]. Dès lors, le suc­cès du Manga ne tient-il pas au fait qu’il consti­tue une réponse, pour chaque lec­teur, à cette flui­di­té des iden­ti­fi­ca­tions de notre époque ? 

Pour qui vou­drait appro­fon­dir cette aven­ture, Pierre Pulliat nous a concoc­té une biblio­gra­phie thématique :

Manga pour enfant à par­tir de 7 ans

Astro boy, Tezuka, Kana édi­tions 8 vols Classique 50’s, un enfant robot sauve l’humanité

Chi une vie de chat, Kanata, Glénat 12 vols Mascotte, Chat

Nekojima, Horokura, Nobi Nobi 1 vol Hybride Enfant-animaux

Yo-kai Watch, Konishi, Kaze, 18 vols en cours Adaptation de jeu videoYokaï (esprits)

Série ini­tia­tique type aven­ture Shonen à par­tir de 12 ans

Dragon ball, Toriyama, Glénat, 42 vol les aven­tures de Son Goku : le titre le plus popu­laire du man­ga, Hybridation, Action, Transformation, Humour sexué

One Piece, Oda, Glénat, 94 vol en cours Aventure pira­te­rie fan­tas­tique, Pouvoirs sur­na­tu­rels, Transformation des corps, titre en cours actuel­le­ment le plus lu au monde

Full metal alche­mists, Arakawa, 27 vols Transmutation alchi­mique, Tabou cor­po­rel et philosophique

My Hero Academia, Horikoshi, 28 vols en cours  Destin ado super­hé­roïque, un jeune gar­çon d’apparence fra­gile doit domp­ter une force inté­rieure pour deve­nir un super-héro

Initiation, Kashiwagi, Delcourt 5 vols Un jeune gar­çon per­du dans les mon­tagnes découvre un vil­lage pra­ti­quant des rites sexuels ancestraux 

Comédie roman­tique style sho­jo à par­tir de 12 ans

Fruits Basket, Takaya, Delcourt 23 vols Une ado­les­cente vit avec des gar­çons qui sont les réin­car­na­tions des signes zodia­cales chinois

Switch Girl, Aida, Delcourt 25 vols Une jeune ado est mala­di­ve­ment obsé­dée par les apparences

March comes in like a Lion, Umino, Kana, 15 vols en cours un ado de 17 ans en dépres­sion reprend gout à la vie à tra­vers le jeu de sho­gi (échecs japo­naises) et la ren­contre de 3 soeurs

Corps emprun­té à par­tir de 14 ans

Moi quand je me réin­carne en Slime Kawakami, Kurokawa, 16 vols en cours un employé de bureau est assas­si­né et se réin­carne en Slime (être gluant mono­cel­lu­laire) dans un monde de Fantasy

So I am a spi­der, so what?, Kakashi, Soleil, 9 vols en cours  Une fille est trans­for­mée en arai­gnée et pro­je­tée dans un monde jeu vidéo

Tanya The EvilChica, Soleil, 18 vols en cours  Un sala­rié de 35 ans est plon­gé dans le corps d’une sor­cière nazi de 10 ans dans un monde paral­lèle en guerre

Travestissement à par­tir de 14 ans

Family com­po, Hojo, Panini, 12 vols Comédie où un jeune gar­çon vit chez son oncle et sa tante qui ont inver­sé les genres de plus il est atti­ré par sa cou­sine qui le trouble par sa double iden­ti­té sexuelle 

Parmi euxUne jeune fille se grime en gar­çon pour incor­po­rer un lycée mas­cu­lin, type sho­jo

Princess JellyfishChronique de jeunes femmes urbaines et marginalisées

Ranma ½, Takahashi, Glénat, 38 vols Aventure humo­ris­tique type sho­nen où le héros se trans­forme en fille dès qu’il tombe dans l’eau.

 

 

 

[1]    http://​www​.leco​le​de​la​li​brai​rie​.fr/

[2]     http://​www​.lec​tu​re​jeu​nesse​.org/

[3]     Auteurs de manga

[4]    J. Lacan, Intervention sur l’exposé de M. de Certeau : « Ce que Freud fait de l’histoire. Note à pro­pos de : « Une névrose démo­nique au XVIIème siècle », Congrès de Strasbourg, le 12 octobre 1968, dans Lettres de l’École freu­dienne n°7, 1969, p 84

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