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Une clinique au-delà de l’Œdipe

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Par Isabelle Magne

La visite de la Galerie de l’Homme au Musée de l’Homme de Paris reflète l’état des connais­sances de notre époque en matière de sexua­li­sa­tion. Une atten­tion par­ti­cu­lière est accor­dée à l’é­cart entre sexe et genre. Le sexe bio­lo­gique est consi­dé­ré comme organe du corps et relève de la nature, alors que le genre relève de la culture. La notion même de dif­fé­ren­cia­tion sexuelle est consi­dé­rée du point de vue des discours.

Par ses recherches, J. Lacan avance que ce n’est pas à ce niveau que filles et gar­çons sont dif­fé­rents : « Cette erreur consiste à les recon­naître sans doute de ce dont ils se dis­tinguent, mais à ne les recon­naître qu’en fonc­tion de cri­tères for­més sous la dépen­dance du lan­gage, si tant est que, comme je l’avance, c’est bien de ce que l’être soit par­lant qu’il y a com­plexe de cas­tra­tion. » [1]

Sur la ques­tion du sexuel et de l’inconscient, et à par­tir de ses études sur la sexua­li­té fémi­nine, Lacan prend ses dis­tances par rap­port au Phallus. Il parle de Sexuation pour repé­rer, non pas des sexes ou des genres, mais des posi­tions de jouis­sance incons­cientes du sujet, comme la posi­tion phal­lique, ou la posi­tion fémi­nine. Lacan nous ouvre un champ d’étude au-delà de l’œdipe, là où quelque chose de la jouis­sance libi­di­nale et pul­sion­nelle, est irré­duc­tible au signifiant.

La cli­nique des enfants nous met elle aus­si au tra­vail sur ces ques­tions. Pour ma part, cette notion de sexua­tion, thème de la pro­chaine Journée de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant, m’amène à entre­voir ce qu’il peut en être d’une cli­nique pas seule­ment orien­tée par la dia­lec­tique du sens, une cli­nique au-delà de l’œdipe.

Un jeune gar­çon de moins de cinq ans pré­sen­tait un symp­tôme tenant de l’érotisme anal et était agres­sif envers sa mère. En séance, il met­tait en scène des che­va­liers en excluant des prin­cesses ; il cher­chait des attri­buts phal­liques ima­gi­naires. À la fin d’une séquence, il retrouve son père et s’agite au moment de par­tir, je lui pro­pose d’écrire son pré­nom. Il me demande de lui faire un cadre sur la feuille. L’agitation cesse aus­si­tôt qu’il forme les lettres de son pré­nom à l’intérieur de ce cadre, c’est un moment très impor­tant pour lui. Son père est der­rière lui et le regarde faire. Quand il a ter­mi­né, le jeune gar­çon se retourne vers son père ; ce der­nier le féli­cite, puis après un silence, affiche un sou­rire de satis­fac­tion. Dans un mou­ve­ment pul­sion­nel, l’enfant rature alors son pré­nom avec vigueur. Son père tente de l’arrêter et je fais de même, prise dans une pra­tique réfé­rée à une norme phal­lique. Cependant que l’enfant main­tient son choix de la rature et part tranquille.

Par l’excès pul­sion­nel qu’il conte­nait, au lieu de me faire par­te­naire de cette posi­tion, j’ai d’abord consi­dé­ré l’acte de l’enfant comme le signe d’une iden­ti­fi­ca­tion aux signi­fiants des parents qui par­laient de lui en tant qu’enfant insup­por­table. Or la suite a mon­tré que ce petit gar­çon a choi­si là de ne pas être l’objet de la satis­fac­tion du père.

La cure de l’enfant mobi­lise des enjeux ima­gi­naires et de sexua­tion incons­ciente ; cette séquence m’a ensei­gnée que la cli­nique de l’œdipe peut nous faire « rater » le sujet, alors qu’une cli­nique de la jouis­sance fait une place au sujet en devenir.

[1] Lacan J., Le Séminaire, livre XIX, …ou pire, Paris, Seuil, 2011, p. 16.

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