Menu
Zappeur JIE7

La crise, principe organisateur de la famille ?

Zappeur n° 15
image_pdfimage_print

Ce texte est un extrait de l’introduction à la jour­née d’étude du Petit Chose, groupe mont­pel­lié­rain du CEREDA, le 10 sep­tembre 2022, sur le thème de : La crise : prin­cipe orga­ni­sa­teur de la famille ?

Dans son texte d’orientation de la pro­chaine jour­née de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant, Daniel Roy affirme : « la crise est un prin­cipe orga­ni­sa­teur de la famille[1]». De la crise, Jacques-Alain Miller donne une défi­ni­tion pré­cise : « Il y a crise au sens psy­cha­na­ly­tique quand le dis­cours, les mots, les chiffres, les rites, la rou­tine, tout l’appareil sym­bo­lique s’avèrent sou­dain impuis­sants à tem­pé­rer un réel qui n’en fait qu’à sa tête. Une crise, c’est le réel déchaî­né, impos­sible à maî­tri­ser. Équivalent dans la civi­li­sa­tion de ces oura­gans par les­quels la nature vient pério­di­que­ment rap­pe­ler à l’espèce humaine sa pré­ca­ri­té, sa débi­li­té fon­cière[2]».

Avec la défi­ni­tion que donne J.-A. Miller de la crise, l’affirmation de D. Roy, nous éloigne d’emblée de tout idéal d’harmonie fami­liale. Le réel est au cœur de la famille[3]. L’insuffisance vitale de l’enfant mar­qué par le signi­fiant et, par là-même, cou­pé de ses ins­tincts, déna­tu­ré en quelque sorte, se résout en inten­tion men­tale, ouvrant la voie de la sub­jec­ti­va­tion comme trai­te­ment du réel. La famille est, par excel­lence, lieu de ren­contre avec le réel. Lieu de ren­contre avec la langue trau­ma­tique, qui per­cute le corps et fait « réson » à la jouis­sance, lieu de ren­contre avec ce qui ne pour­ra jamais se dire, le mode par­ti­cu­lier de jouis­sance de cha­cun des parents, secret dit de famille, dont seul se trans­met le mal­en­ten­du, lieu de ren­contre avec le non-rapport sexuel, l’inadéquation irré­duc­tible entre le signi­fiant et le corps.

Sur quoi se fonde-t-il, inter­roge Lacan, le rap­port aux parents ?

Dans Le Séminaire, livre XVI, D’un Autre à l’autre, Lacan nous indique que ce qu’il en est « du père, de la mère, la nais­sance d’un petit frère ou d’une petite sœur pour un sujet, […] ne prennent sens et poids qu’en rai­son de la place qu’ils tiennent dans l’articulation du savoir, de la jouis­sance et d’un cer­tain objet[4]». Le res­sort de la bio­gra­phie infan­tile, ori­gi­nelle, nous dit-il, tient à « la façon dont se sont pré­sen­tés les dési­rs chez le père et chez la mère c’est-à-dire dont ils ont offert au sujet le savoir, la jouis­sance et l’objet a[5]».

La famille appa­raît dès lors comme rele­vant d’un nouage, R.S.I., d’une construc­tion sub­jec­tive, un mode de trai­te­ment du réel ren­con­tré par l’enfant. Chaque sujet, à par­tir d’une ren­contre contin­gente, construit sa famille.

L’affirmation de D. Roy, « la crise est un prin­cipe orga­ni­sa­teur de la famille[6]» est un énon­cé per­cu­tant, conden­sé et assez énig­ma­tique. Percutant parce qu’il troue le dis­cours cou­rant qui donne un carac­tère de crise à ce-qui-ne-va-pas et qui croit en une réso­lu­tion pos­sible de celle-ci. Cet énon­cé pose d’emblée que le champ de la psy­cha­na­lyse ne relève pas de la thé­ra­peu­tique. La crise y appa­raît comme un irré­duc­tible, elle res­sort pour cha­cun d’une construc­tion singulière.

Condensé parce qu’il fait déjà entendre la dimen­sion de nouage de la famille : le réel de la crise, le sym­bo­lique du prin­cipe orga­ni­sa­teur et l’imaginaire avec l’idée que cha­cun se fait de l’autre. La famille est donc un agen­ce­ment sur fond d’impossible.

Énigmatique enfin, parce qu’il invite au dépliage : qu’est-ce qu’une famille du point de vue de la psy­cha­na­lyse laca­nienne ? Qu’est-ce que la paren­té ? Qu’en est-il des corps dans la famille ? De l’objet ?

[1] Roy D., « Parents exaspérés-enfants ter­ribles », texte d’orientation vers la 7ème jour­née de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant, https://​ins​ti​tut​-enfant​.fr

[2] La crise finan­cière vue par Jacques-Alain Miller, Marianne, 10 octobre 2008, dis­po­nible sur internet.

[3] Lacan J. « Les com­plexes fami­liaux dans la for­ma­tion de l’individu », Autres écrits, Paris, Seuil, 2001,

[4] Lacan J., Le Séminaire, livre XVI, « D’un Autre à l’autre », leçon du 21 mai 1969, p.332.

[5] Ibid

[6] Roy D., « Parents exaspérés-enfants ter­ribles », texte d’orientation vers la 7ème jour­née de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant, https://​ins​ti​tut​-enfant​.fr

 

Podcast
Vers la JIE7
Actualités
Affiche de la journée

Inscrivez-vous pour recevoir le Zapresse (les informations) et le Zappeur (la newsletter)

Le bulletin d’information qui vous renseigne sur les événements de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant et des réseaux « Enfance » du Champ freudien, en France et en Belgique et Suisse francophone

La newsletter

Votre adresse email est utilisée uniquement pour vous envoyer nos newsletters et informations concernant les activités de l’Institut Psychanalytique de l’Enfant et du Champ freudien.