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Zappeur JIE7

« Burn-out parental », « Regret d’être mère »

Zappeur n° 40
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À l’ère où l’on affirme avec un cer­tain sou­la­ge­ment qu’on ne naît pas parent, qu’on le devient – met­tant alors en cause l’existence d’un « ins­tinct » mater­nel ou pater­nel – où la « paren­ta­li­té » appa­raît comme une pure construc­tion sociale et cultu­relle, où la sexua­li­té et la pro­créa­tion peuvent, grâce à la science, être dis­jointes, deux figures pour dire le mal-être paren­tal tiennent la vedette : celle du « burn-out paren­tal » (qui rejoint les autres types de burn-out comme le « burn-out pro­fes­sion­nel » et le « burn-out de l’aidant » [1]) et celle du « regret d’être mère » [2] (des mères prennent la parole, « brisent le tabou » [3]pour racon­ter leur mal de mères [4]).

Ce qui est mis en avant dans ces deux syn­tagmes, ce n’est pas tant l’embar­ras que la charge men­taled’être parent. Être parent, c’est du bou­lot. La paren­ta­li­té se trouve réduite à des fonc­tions, des parents s’épuisent à la tâche. Le « regret » n’est pas tant d’avoir ou ne pas avoir des enfants, mais d’être mère, d’être père de famille, d’être parent.

C’est du côté de l’être que le malaise semble ici s’exprimer dans la filia­tion. Comme dans la sexua­tion, on découvre dans ces figures une homo­lo­gie struc­tu­rale : les sujets souffrent d’une inadé­qua­tion du « titre » qui leur a été assi­gné à la nais­sance (homme, femme) ou par la nais­sance – ou l’adoption – (père, mère, parent) de leur enfant : « la nais­sance d’un bébé est aus­si la nais­sance d’un parent » [5], peut-on lire sur la page de san­té publique du gou­ver­ne­ment consa­crée au « déve­lop­pe­ment de bébé ».

La nais­sance d’un bébé, est-ce la nais­sance d’un parent ? La cli­nique nous montre que rien n’est moins sûr.

Lacan notait le sta­tut de para­site du bébé : « dans l’utérus de la femme, l’enfant est para­site, tout l’indique, jusqu’au fait que ça peut aller très mal entre ce para­site et ce ventre » [6].

Au regard du réel, la nais­sance d’un petit de par­lêtre, c’est comme l’arrivée d’un « a-lien », d’un objet petit a sui­vi d’un trait. Rien ne rat­tache a prio­ri cet a-lien à l’Autre, car par ce trait – qui pour­tant vient de l’Autre – le rap­port est tou­jours déjà déna­tu­ré. Ainsi on pour­rait dire, en emprun­tant la for­mule de Lacan sur le non-rapport sexuel, qu’il n’y a pas de rap­port filial. Cette pers­pec­tive per­met d’affranchir le lien d’un déter­mi­nisme bio­lo­gique et d’un déter­mi­nisme social. Sur fond de non-rapport, tout lien fami­lial est symptomatique.

Dans son Séminaire « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », Lacan ques­tionne : le fait que la chaîne incons­ciente s’arrête au rap­port de l’enfant aux parents, est-il oui ou non fon­dé ? À l’ère où coexistent des dis­cours qui font du « neu­ro » le fon­de­ment de tout lien à l’autre et des dis­cours qui reven­diquent le droit à l’auto-détermination (l’auto-fondement) de l’enfant, la ques­tion intro­duite par Lacan prend une por­tée sub­ver­sive. « La paren­té en ques­tion met en valeur ce fait pri­mor­dial que c’est de lalangue qu’il s’agit » [7], avance Lacan dans ce même Séminaire, don­nant ain­si une direc­tion à la cure : de quel appa­ren­te­ment poé­tique l’enfant est-il poème ?

 

 

[1] « Aider jusqu’à l’épuisement : quand la parole se libère », France Inter, pod­cast « Le télé­phone sonne », émis­sion du mer­cre­di 2 octobre 2019, dis­po­nible sur le site de Radio France : https://​www​.radio​france​.fr/​f​r​a​n​c​e​i​n​t​e​r​/​p​o​d​c​a​s​t​s​/​l​e​-​t​e​l​e​p​h​o​n​e​-​s​o​n​n​e​/​a​i​d​e​r​-​j​u​s​q​u​-​a​-​l​-​e​p​u​i​s​e​m​e​n​t​-​q​u​a​n​d​-​l​a​-​p​a​r​o​l​e​-​s​e​-​l​i​b​e​r​e​-​5​8​7​0​171

[2] Cf. notam­ment Thomas S., Mal de mères. Dix femmes racontent le regret d’être mère, Paris, JC Lattès, 2021 ; Allenou S., Mère épui­sée, Paris, Les liens qui libèrent, 2011 ; émis­sions télé­vi­sées, radio, pod­casts, paru­tions édi­to­riales, etc.

[3] Machado P., « Elles regrettent d’être deve­nues mères et brisent le tabou », Terrafemina, jeu­di 10 février 2022, dis­po­nible sur inter­net : https://​www​.ter​ra​fe​mi​na​.com/​a​r​t​i​c​l​e​/​r​e​g​r​e​t​-​m​a​t​e​r​n​e​l​-​l​-​a​u​t​r​i​c​e​-​s​t​e​p​h​a​n​i​e​-​t​h​o​m​a​s​-​b​r​i​s​e​-​l​e​-​t​a​b​o​u​-​a​v​e​c​-​m​a​l​-​d​e​-​m​e​r​e​s​_​a​3​6​2​4​2​1/1

[4] Cf. Thomas S., Mal de mères. Dix femmes racontent le regret d’être mère, op. cit.

[5] « Devenir parent », site inter­net du gou­ver­ne­ment des 1000 pre­miers jours : https://​www​.1000​-pre​miers​-jours​.fr/​f​r​/​d​e​v​e​n​i​r​-​p​a​r​ent

[6] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 14 décembre 1976, Ornicar ?, n°12/13, décembre 1977, p. 6.

[7] Lacan J., Le Séminaire, livre XXIV, « L’insu que sait de l’une-bévue s’aile à mourre », leçon du 19 avril 1977, Ornicar ?, n° 17–18, p. 12.

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